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Noverit universitatis vestra

Auteur

Simon de Montfort

Titre en français

Décret d’expulsion des juifs de Leicester

Type de texte

Édit

Texte

Simon de Montefort filius Comitis Simonis de Montefort, Dominus Leycestrie, omnibus Christi fidelibus, presentem paginam visuris et audituris, salute in Domino. Noverit universitatis vestra, me pro salute anime mee et antecessorum et successorum meorum, concessisse, et presenti carta mea confirmasse, de me et heredibus meis in perpetuum burgensis meis Leycestrie et eorum heredibus, quod nullus Judeus neque Judea in tempore meo, sive in tempore alicuius heredum meorum usque in finem mundi, infra libertatem ville Leycestrie habitabit neque manebit nec residenciam obtinebit. Volo etiam et precipio quod heredes mei post me istam libertatem, integram et illesam burgensibus prenominatis observent et in perpetuum warrentizent. Et in hujus rei testimonium presentem cartam sigillo meo munivi. Hiis testibus, Domino Almarico de Mittun, Domino Waltero de Aquila, Domino Rogero Blundo capellano, Willelmo de Anet tunc bailliuo Leic’, Willelmo Basset, Willelmo de Miravall et aliis.

Langue

Latin

Source du texte original

S. Levy, “Notes on Leicester Jewry”, Transactions of the Jewish Historical Society of England 5 (1902), 41.

Datation

  • Entre 1231 et 1232
  • Précisions : entre aout 1231 et octobre 1232, selon J. Maddicott, Simon de Montfort (Cambridge, 1994), pp. 15-17. S. Levy donne une mauvaise datation (1253).

Aire géographique

Traduction française

Simon de Montfort, fils du Comte Simon de Montfort, seigneur de Leicester, à tous les fidèles du Christ, qui verront la présente page et l’entendront, salutation au nom du Christ. Que soit connu de vous tous que moi, pour le salut de mon âme, de mes prédécesseurs et de mes successeurs, j’ai accordé et confirmé par la présente charte, en mon nom et en celui de mes héritiers, pour toute éternité, à mes bourgeois de Leicester et à leurs héritiers, qu’aucun juif ni aucune juive à présent et sous le règne de mes héritiers jusqu’à la fin du monde, sous le libre pouvoir de la ville de Leicester, n’habitera ni ne demeurera ni n’obtiendra résidence. Je veux aussi et je prescris que mes héritiers après moi maintiennent cette liberté intègre et inviolée, et la garantissent perpétuellement aux bourgeois susnommés. Et en témoignage de cela j’ai confirmé de mon sceau la présente charte. Avec les témoins : Sir Aumery de Mittun, Sir Walter d’Aquila, Sir Roger Blund, chapelain, William d’Anet, présentement bailli de Leicester, William Basset, William de Miravall et d’autres.

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Avec cet édit, Simon de Montfort expulse les juifs de la ville de Leicester. Il présente cette expulsion comme motivée aussi bien par une préoccupation spirituelle (pour le bien de son âme), que par une concession aux bourgeois de la ville, ce qui suggère que certains d’entre eux ont pu se sentir désavantagés par les activités financières ou commerciales des juifs de la ville. Cette expulsion est le premier acte enregistré de Simon en tant que seigneur de Leicester, publié dans les mois qui suivirent son arrivée au pouvoir, en août 1231. On ignore si cela a été motivé en fait par le ressentiment des bourgeois ou par le propre penchant antisémite de Simon : nous savons que sa mère, Alice, essaya d’obliger les juifs de Toulouse choisir entre le baptême ou la mort, et en a été empêchée (selon le récit hébreu qui relate cet épisode) seulement pas l’intervention d’un cardinal, qui libéra les juifs. 1

1 . Voir M. Zerner, “L’épouse de Simon de Montfort et la Croisade Albigeoise”, dans Femmes : mariages-lignages, XIIe-XVIe siècles : mélanges offerts à Georges Duby (Bruxelles, 1992), 449-70 (461).

Signification historique

L’autre source qui mentionne l’expulsion des juifs de Leicester par Simon est une lettre que Robert Grosseteste, l’archidiacre de Leicester, envoya, entre août 1231 et novembre 1232, à Margaret de Quincy, comtesse de Winchester (et grand-tante de Simon). 1 Grosseteste écrit qu’il a entendu que la comtesse avait « décidé d’accueillir sur (ses) terres les juifs que le seigneur de Leicester avait expulsés de sa ville afin de prévenir leur exploitation très impitoyable par l’usure des chrétiens qui vivaient là ». Cette lettre a été citée par des historiens comme autre preuve que Grosseteste a encouragé Simon à expulser les juifs de Leicester ou (même si c’est plus improbable) qu’il essaya de le dissuader d’en faire autant, mais en réalité cela ne dit ni l’un ni l’autre. Grosseteste ne condamne ni ne loue l’action de Simon, même s’il suggère que la pratique abusive de l’usure par les juifs peut justifier une telle action. De plus, l’archidiacre ne loue ni ne condamne la décision de Margaret d’accueillir ces juifs. Il lui explique, en des termes qui font écho aux formules des bulles d’Innocent III, que les juifs sont punis par Dieu pour le péché du meurtre de Jésus, et qu’ils doivent vivre punis et en captivité. Ainsi les dirigeants chrétiens sont obligés de protéger les juifs, tout en les empêchant en même temps d’opprimer les chrétiens – en particulier à travers l’usure. Ici Grosseteste avertit la comtesse de ne pas laisser les juifs pratiquer une usure opprimante, mais plutôt de les laisser gagner leur vie en travaillant la terre. Les juifs qui oppriment les chrétiens seront punis par Dieu et, il l’avertit, les princes chrétiens qui ont permis cela, ou pire, qui en ont tirer profit, seront également punis. D’autres sources montrent que Simon et Margaret étaient en conflit au sujet territoires disputés : le roi Henri III dut intervenir dans cette dispute en 1232, interdisant à Simon d’annexer des terres appartenant à Margaret. Cette dispute peut être en relation avec l’expulsion des juifs par Simon. Dans tous les cas, il s’agit de la première expulsion d’une ville d’Angleterre, et le fait que ce soit publié par un baron important (qui devint ensuite dirigeant de facto de l’Angleterre) et approuvé par Robert Grosseteste pouvait en faire un modèle pour les expulsions futures.

1 . Robert Grosseteste, Letters, F. Mantello & J. Goering, trans. (Toronto, 2010), §5.

Editions

  • J. Nichols, History and Antiquities of the County of Leicester, vol 1., pt. ii, appendix, p. 38.
  • J. Throsby, The History and Antiquities of the Ancient Town of Leicester (Leicester, 1791), p. 40

Etudes

  • J. Goering, "Robert Grosseteste and the Jews of Leicester", in M. O'Caroll, ed., Robert Grosseteste and the beginnings of a British theological tradition (Roma, 2003), 181-200.
  • O. Harris, ‘Jews, Jurats and the Jewry Wall: a Name in Context’,Transactions of the Leicestershire Archaeological and Historical Society 82 (2008), 113-33.
  • S. Levy, “Notes on Leicester Jewry”, Transactions of the Jewish Historical Society of England 5 (1902), 34-42.
  • C. Richmond, “Englishness and medieval Anglo-Jewry”, in S. Delany, ed., Chaucer and the Jews: Sources, Contexts, Meanings (London, 2002), 213-227.
  • C. Roth, A History of the Jews in England (Oxford, 1964), 57-58.
  • N. Vincent, "Jews, Poitevins and the Bishop of Winchester, 1231-34", Studies in Church History 29 (1992), 119-32.
  • J. Watt, "Grosseteste and the Jews: A commentary on Letter V", in M. O'Caroll, ed., Robert Grosseteste and the beginnings of a British theological tradition (Roma, 2003), 201-16.

Mots-clés

expulsion

Auteur de la notice

John   Tolan

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°251645, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait251645/.

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