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Alfons III el Benigne. Comune 6[ARB-ACA, Cancelleria, Reg. 433, fol. 111r-v]

Auteur

Alfons III de Catalogne

Titre en français

Alfons III le Bienveillant. Comune 6

Titre descriptif

Ordinance d'Alfons III de Catalogne sur les prédications faites par des convertis du Judaïsme aux juifs du comté d’Urgell

Type de texte

Mandat

Texte

Alfonsus etc. dilectis et fidelibus suis vicariis, bajulis ceterisque officialibus nostris in comitatu Urgelli et vicecomitatu agerensi constitutis vel eorum locatenentibus salutem et dileccionem. Ad instanciam aliquorum conversorum nonnullas vobis direximus litteras ut cum ipsi verbum Dei proponere desiderant faceretis judeos dictorum comitatus et vicecomitatus insimul congregari et coram eis venire ad audiendum dictum Verbum quod intendunt proponere predicando. Nunc autem expositum nobis fuit pro parte judeorum jamdictorum ut cum ipsi conversi predicta faciant pro eo ut premissi judei se redimant ab eisdem, hocque cedat dictis judeis in dampnum non modicum et prejudicium manifestum, idcirco, ad suplicacionem dictorum judeorum, volentes ipsis judeis de justicie remedio provideri, vobis dicimus et mandamus quatenus si dicti conversi vos requisiverint ipsos judeos venire coram eos, vos ipsos judeos ad hoc minime compellatis ; verum si predicare premissis judeis voluerint, in sinagoga dictorum judeorum vel in alio decenti loco premissos judeos faciatis insimul congregari, in qua predicacione vos, bajulus loci ubi congregati ipsi judei fuerint, una cum sex vel octo probis hominibus ipsius loci, prout vobis dicto bajulo melius videbitur faciendum, personaliter intersitis, litteris jamdictis a nobis obtentis obsistentibus nullo modo. Datum Ilerde VI kalendas decembris anno Domini millesimo CCC vicesimo octavo. Bartholomeus de Podio ex peticione provisa.

Langue

Latin

Source du texte original

J.Riera, "Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV). Apèndix documental", Calls 2 (1987), num. 3

Datation

  • Date fixe :

Aire géographique

Traduction française

Alphonse, etc. À ses chers et fidèles viguiers, bayles et à nos autres officiels assignés au comté d'Urgell et au vicomté d’Ager et à leurs lieutenants, salut et amour. À la demande de quelques convertis nous vous avions envoyé plusieurs lettres parce que, dans le cas où ils veuillent expliquer la parole de Dieu, vous devez rassembler les juifs de ces comtés et vicomtés ensemble et les envoyer vers ceux qui écoutent la parole [de Dieu] et qui veulent l'expliquer en prêchant. Maintenant, il nous a été exposé par ces juifs que quand ces convertis agissent de cette façon ils le font parce que les juifs se rachètent d’eux, ce qui devient pour les juifs un dommage substantiel et un préjudice manifeste, par conséquent, à requête de ces juifs, voulant leur donner un remède équitable, nous vous disons et ordonnons que, dans la mesure où ces convertis vous demandent que ces juifs se rassemblent autour d'eux, vous les forcerez au minimum; s’il est vrai qu’ils veulent prêcher aux juifs, rassemblez-les tous dans leur synagogue ou dans un autre lieu pertinent pour la prédication. Vous, le bayle de l'endroit où ils se seront rassemblés, en compagnie de six ou huit prohoms de ce lieu-là, de la manière qu’à vous, le dit bayle, il vous sera le mieux, y assisterez personnellement, sans que les lettres obtenues de nous, déjà dites, ne puissent s’y opposer en aucune façon. Donné à Lérida, le 6 du calendes de décembre de l'an de notre Seigneur 1328.

Source traduction française

J. X. Muntané Santiveri

Résumé et contexte

En Catalogne, à la date qu’on trouve à la fin de ce document de la chancellerie royale (1328), cela faisait un peu plus d'un demi-siècle qu'un converti du judaïsme devenu religieux, frère Pau Cristià (Pablo Christiani), avait commencé à prêcher à ses anciens coreligionnaires, et pas encore trente ans que des laïcs, convertis et non convertis, s’ajoutèrent à cette praxis missionnaire. D’une certaine façon on peut dire que le collectif des convertis laïcs fut celui qui, tout au long du XIVe siècle, prit le relais de l’activité missionnaire qui, lors du statut de Jacques I (1243), avait été demandée aux dominicains et franciscains. Ainsi comme ceux-ci, à cause de la maigre efficacité des sermons, laissèrent petit à petit de côté cette pratique missionnaire, les convertis laïcs la maintinrent vivante jusqu’à la fin du XIVe siècle. 1 La prétendue bonté de cette mesure –plus théorique que pratique– fit que les comtes-rois catalans, dès Jacques II jusqu’à Jean I, 2 autorisèrent les divers convertis qui le demandèrent à prêcher. Pour comprendre le comportement de l’autorité civile, il faut le nuancer par le fait que, presque simultanément, les mêmes monarques, ainsi que des autorités municipales, exaucèrent les mesures restrictives, en rapport avec ces prédications des convertis, que les communautés juives leur impétraient. 3

1 . La dernière licence royale concédée à un converti laïc pour prêcher aux juifs date de 1391, vid. J. Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns. (Segles XIII-XIV) », 126. On doit considérer que les laïcs, convertis ou non, ne se trouvaient pas parmi les bénéficiaires du statut de 1243 (prélats et religieux de certains ordres mendiants seulement) et que c’était pour cela qu’ils devaient obtenir une licence spéciale du roi pour prêcher.

2 . Le premier laïc à obtenir une licence fut le célèbre Ramon Llull, en 1299, et le dernier que l'on connaît fut le converti Jean Fernández de Tolède, le 1391 (J.Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns. (Segles XIII-XIV) », 119 et 126) ; sur les incidents qui eurent lieu à Montblanc à cause d'une de ces prédications dernières, vid. J. Riera, « Un procés inquisitorial contra jueus de Montblanc per un llibre de Maimònides », 59-73.

3 . Spécialement celles qui avaient un rapport avec le lieu –on devait réaliser les prédications dans le quartier juif et pour quelques communautés, seulement à la synagogue– et avec les assistants chrétiens –le nombre d’accompagnants chrétiens devait être réduit (entre trois et dix) et parfois, limité aux officiers royaux ou municipaux de la localité.

Signification historique

Ce document témoigne d'un comportement complexe : d’un côté Alphonse III fait mémoire à ses officiers des lettres qu'ils leur avait adressées, à la demande de quelques convertis qui voulaient prêcher la parole de Dieu à leurs anciens coreligionnaires, où le roi demandait aux juifs de se réunir pour les écouter ; de l’autre, le roi se fait l’écho des lamentations que les juifs affectés lui ont fait parvenir pour modifier ses ordres. Selon le témoignage des juifs du comté d’Urgell, que le roi donne pour vrai, les convertis utilisaient l’autorisation de prêcher qu'ils avaient obtenu pour importuner leurs anciens coreligionnaires s’ils ne leur donnaient pas de l’argent en contrepartie. Quelques convertis donc, qui connaissaient très bien l’aversion que leur activité prosélyte provoquait chez les juifs, essayèrent d’obtenir un profit économique : les uns au comté d’Urgell, les autres à Gérone et d'autres encore à Valence. 1 A la différence de son successeur, Pierre III, qui douta à exempter certaines communautés juives à écouter les prédications des convertis, 2 Alphonse III réagit diplomatiquement : sans l’annuler, il mitige l’obligation d’assister aux dites prédications (« ipsos judeos ad hoc minime compellatis ») et, sans les interdire, il exige des conditions si difficiles à obtenir (comme celle d’inclure le batlle et les prudhommes parmi ceux qui étaient obligés d’y aller et de les écouter) qui devaient dissuader n’importe quelle tentative de les réaliser.

1 . L’année 1351 les juifs de Gérone dénonçaient à Pierre III que, parmi d'autres méfaits, les convertis « ab eis peccunias valeant extorquere » avec leurs prédications, et l’année 1390 Jean I exempta les juifs valenciens à assister aux prédications des convertis « qui pocius hoc faciunt pro extorquendis peccuniis et pro gravando aljamam ipsam aut eius singulares quam pro reducendo aliquos judeos ad fidem catholicam aut alia sana mente », J. Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns. (Segles XIII-XIV) », 124 i 126.

2 . L’année 1343 celle de Manresa bénéficiât de ce privilège ; en 1344 se fut celle de Cervera et, vers la fin de son règne, en 1383, se furent les communautés de Majorque, de Barcelone, de Lérida et d'autres lieux (J. Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns. (Segles XIII-XIV) », 124-125). En fin de compte, d’un point de vue strictement légal, puisque les convertis ne se trouvaient pas parmi les bénéficiaires du statut de 1243, ils ne pouvaient pas réclamer que, dans leur cas, fut observée l’obligation d’assister à leurs prédications.

Etudes

  • J. Riera, « Un procés inquisitorial contra jueus de Montblanc per un llibre de Maimònides », Aplec de treballs del Centre d'Estudis de la Conca de Barberà 8 (1987), 59-73
  • J. Riera, "Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV)", Calls 2 (1987), 113-143

Mots-clés

conversion au christianisme ; Juifs/Judaïsme ; prosélytisme ; prosélytisme

Auteur de la notice

Josep Xavier   Muntane Santiveri

Collaborateurs de la notice

Youna   Masset  :  relecture -corrections

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°246432, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246432/.

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