Constitutions et autres droits de Catalogne
Conditions pour que les créanciers juifs puissent, en retard, réclamer légalement remboursement à leurs débiteurs chrétiens
constitution et interprétation
Item ab sollempne cort approbam e statuhim que no sien creguts sagraments de jueus en deutes exhigidors sino instruments fets lagittimament o testimonis covinents aprovar o hajen penyora moble o ypotheca a la qual ypotest han.
Constitucions de Catalunya: Incunable de 1495, Barcelone, 1988, fol. 18v [104]
De même, en cour solennelle nous approuvons et instaurons que les serments des juifs qui exigent des dettes ne soient pas crus à moins qu’ils aient des documents faits légitimement ou des témoins idoines à prouver ou un gage meuble ou une hypothèque auquel incombe (la dette).
J. X. Muntané Santiveri
L’an 1228, pendant une réunion tenue dans une maison privée de Tarragone, le roi Jacques Ier souleva pour la première fois la possibilité de conquérir Majorque. Afin de discuter de cette initiative, les principaux ecclésiastiques et nobles du pays ainsi que les représentants des citoyens de Catalogne se rassemblèrent à la fin du cette même année dans le palais comtal de Barcelone . 1 Lors de cette cour générale on aborda aussi d'autres questions dont une partie fut recueilli dans les constitutions de Paix et de Trêve, promulguées le 21 décembre, 2 et le reste dans les constitutions « qui non tangunt pacem et treguam », approuvées le lendemain, le 22 décembre 1228. Ce sont ces dernières constitutions qui nous intéressent, en particulier celles destinées à réglementer certains aspects de la présence et de l'activité de la minorité juive dans la société catalane de la première moitié du XIIIe siècle.
1 . Libre dels feyts del rey en Jacme, sections 48-55.
2 . Sur l'importance de ces lois, qui devinrent un modèle pour les futures constitutions de ce type pendant le règne de Jacques Ier, cf. G. Gonzalvo, Les Constitucions de Pau i Treva de Catalunya (segles XI-XIII), 163-173.
La traduction catalane de la deuxième constitution de 1228 relative aux juifs resta fidèle au texte latin original. Elle contient les conditions qui devaient accompagner la déclaration sous serment faite par tout créancier juif qui exigeait judiciairement le paiement d’une dette : possession de la créance ou avoir des témoins idoines ou des gages.
Apparemment le serment prêté par un juif ne suffisait pas pour prouver ses allégations. T. Mieres dans son Apparatus justifiait cette méfiance en s’appuyant sur quelques qualifications péjoratives des juifs in genere, qui étaient devenues habituelles à l’époque pour caractériser cette minorité religieuse : d’un côté il se réfère à la méchanceté et à la fourberie des juifs (« propter eorum vilitatem et perfidiam ») et de l'autre, à leur avarice (« propter avaritiam et infidelitatem eorum, qui improbum faenus usurarum exercere consueverunt »). L'argument théologique fait aussi son apparition quand il affirme que « non creditur hominem esse fidelem, qui Deo extitit infidelis ». 1
Il était logique pour T. Mieres que le juif dût s'efforcer de prouver complètement (« plene ») ses accusations. Le juriste médiéval souligne l'importance que, selon ce point de vue, avaient les gages et il reproduit un des dictons que les juifs de son temps disaient « in vulgari », c'est-à-dire, en catalan : « Qui ten mascon, no fason don ». 2 Le gage qui, en principe, protégeait le créancier de la perte économique d’un prêt non payé devint, dans ce contexte judiciaire, un critère objectif de la véracité de l'accusation du juif qui comprit qu'il était plus sûr de s’appuyer sur lui que d'essayer de défendre sa cause uniquement par sa parole. 3
On peut voir aussi le commentaire du texte apparenté pour plus de précisions.
1 . T. Mieres, Apparatus super constitutionibus curianum generalium Cathaloniae, Barcelone, 1621, 2. On trouve ce même type d’accusations dans d’autres contextes européens, A. Toaff, Love, Work and Death. Jewish Life in Umbria, Oxford; Portland; Oregon, 2010, 118-121.
2 . Qu’on peut traduire comme : « À celui qui à gage, personne ne fait mal ». T. Mieres clarifie dans son commentaire la signification du terme « maskon » en expliquant que ce qui « vocatur mascon in Hebreo, pignus in Latino », T. Mieres, Apparatus super constitutionibus, 2.
3 . « Totius est pignori incumbere, quam in personam agere », T. Mieres, Apparatus super constitutionibus, 2. Quoi qu'il en soit, il fallait être prudent avec certains gages considérés comme douteux ou dangereux, comme ceux qui pouvaient provenir d’un vol, surtout lorsque le débiteur était un esclave ; ceux qui faisaient partie de la dot de l'épouse du débiteur ou ceux qui, par leur caractère sacré, pouvaient provoquer réprobation et même des accusations de profanation par les chrétiens, G. Escribà : M. P. Frago, Documents dels jueus de Girona (1124-1595), Girona, 1992, doc. 106 (1329) i 420 (1363).
dette ; gage ; Juifs/Judaïsme ; serment ; témoignage
Josep Xavier Muntane Santiveri
Youna Masset : relecture -corrections
Adam Bishop : relecture -corrections
Notice n°246330, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246330/.