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Ordinaciones facte per Dominum Regem Jacobum secundum in secunde curia Barchinone[6 § 2]

Auteur

II Cour Générale de Barcelone

Titre en français

Ordonnances faites par le seigneur roi Jacques II pendant la IIe Cour de Barcelone

Titre descriptif

Permission aux convertis du judaïsme au christianisme de mantenir leurs biens usuraires

Type de texte

constitution et interprétation

Texte

Item quod si iudeus vel iudea, vel iudei se babtitzaverint et redierint fidei catholice, quod, eo quod ipsi habent renunciare eorum bonis quia ipsa habent de usuris et turpi lucro et ita gravius vel durius veniunt ad fidem Chatolicam, quod nos quantum in nobis et posse nostro et auctoritate nostra regali successoribus nostris et etiam curia pro toto generali terre, dimittimus et remittimus eis ipsa bona et suis perpetuo.

Langue

Latin

Source du texte original

Real Academia de la Historia, Cortes de los antiguos reinos de Aragón y de Valencia y principado de Cataluña, tomo I, parte 1 (Madrid: Est. Tip. de la Viuda e Hijos de Manuel Tello, 1896), 171

Datation

  • Date fixe : 1300

Aire géographique

Traduction française

Quand un juif ou une juive ou des juifs veulent se baptiser et se rendre à la foi catholique, du moment qu’ils doivent renoncer aux biens qu’ils ont eu d’usures et de gains laids, c’est ainsi qu’ils viennent à la foi catholique très gravement et durement. Pourtant, nous, comme cela est notre droit parce que nous avons le pouvoir et l’autorité royale, et nos successeurs et aussi la cour générale de toute notre terre renonçons et remettons ces biens à eux et aux leurs à tout jamais.

Source traduction française

J. X. Muntané Santiveri

Résumé et contexte

A la différence du statut « missionnaire » de 1243 qui, pour gagner des nouveaux adeptes au christianisme, essayait de remédier à la perte matérielle qui dérivait de la conversion en permettant que les néophytes pussent conserver la totalité de leurs biens meubles, immeubles et cheptel vif, cette constitution de 1300 se fait écho du problème que posait une partie de ces biens : ceux qui provenaient des pratiques usuraires et qui, avec le baptême, passaient d'un contexte juif à un chrétien sans changer de propriétaire. Ce qui aux uns était permis, aux autres était totalement interdit. La constitution de 1300, donc, non seulement met en exergue la différentiation qui s’introduit dans l’ensemble générique des biens approuvé le 1243 et la praxis spécifique qu'elle provoqua (l’abandon, avec la conversion, des biens tenus pour impropres d’un chrétien), mais elle veut résoudre les problèmes qui en dérivaient : l'indigence du converti qui devait renoncer à ses biens usuraires et (on ne le dit pas explicitement mais c'est sous-entendu) la faible attraction qu’un procès de conversion de ce type –et que le texte légal qualifie de « gravius vel durius »– suscitait chez les juifs, 1 à un moment (la fin du XIIIe siècle et premières décades du XIVe) où le prêt d’argent avec intérêt était encore activement pratiqué par une partie de la population juive de la Catalogne. 2

1 . Dans ce sens, T. Mieres introduit son commentaire à cette constitution en disant ouvertement que son but était : « ut Iudaei facilius convertantur » et l’attribuant au « zelo fidei » du roi (135).

2 . En effet, les lois relatives à l’usure de 1228 furent confirmées aux XIIIe et XIVe siècles car pendant cette période on n’arrêta pas de recourir au crédit juif –parmi d'autres, c’est vrai– pour satisfaire les besoins de liquidité accrus de cette société en expansion, F. Baer, A History of the Jews in Christian Spain, vol. 2, 3-4 ; Y. T. Assis, Jewish Economy in the Medieval Crown of Aragon, 49-60.

Signification historique

L'image de la pratique usuraire comme un vice extirpé du cœur du chrétien mais encore très enraciné dans celui du juif est subjacente à ce texte : dans la référence à la « laideur » de l’usure (« turpi lucro »), dans les verbes du pardon (« dimittimus et remittimus », qui signalent la nature mauvaise de l’usure) et dans l’association exclusive de sa pratique aux juifs. C’est pour cela qu’il est encore plus étonnant que, précisément dans ce cadre conceptuel, le texte introduise la possibilité que des biens d’origine usuraire fassent partie du patrimoine d’un chrétien. Cette idée qui en soi devait être refusée devient malgré tout acceptable pour les conversions provenant du judaïsme. Dans ce cas, l'autorité permet au juif prêt à se baptiser de garder le gain de ses prêts, au lieu de le rendre au monarque 1 ou de le perdre définitivement. Évidemment le texte ne s’oppose pas au principe général qui interdit l’usure aux chrétiens parce qu’il n’autorise jamais le converti à continuer à la pratiquer, son but étant de rendre plus attrayante la conversion au christianisme en assurant l'intégrité des biens -selon l'esprit du statut de 1243- indépendamment de leur origine. De toute façon, cette permissivité, tel que l'on peut le lire au commentaire de T. Mieres, est applicable seulement aux « usuras per eos [les juifs convertis] ante baptismum receptas » (139); 2 c’est pour cela qu'en 1392, l'année suivant l’assaut du call de la ville de Majorque, quelques chrétiens refusèrent de payer aux convertis les dettes qu’ils avaient contractées avec eux avant leur conversion, en s’appuyant sur le fait que c'était un désir d’usure.3 D’ailleurs, un des motifs pour lequel un grand nombre de juifs majorquins, qui avaient survécus à l’avalot de 1391 en se réfugiant dans le château royal, acceptèrent de se faire baptiser, fut la promesse des conseillers de la ville de Majorque de leur donner 20.000 livres « en descarrech de lurs deutes », c'est-à-dire, pour les intérêts des dettes que, à partir du moment de leur conversion, ils ne pourraient pas réclamer. 4

1 . Dans une moratoire de dettes, Jean I dispose que les "quatuor solidi per libra de quibus per dictos conversos nobis donacio facta extitit" n'étaient pas compris dans cette grâce, ARB, Canc., Reg. 1996, f. 39r (1392), indiqué par J. Mascaró, “Los judíos de Menorca en la Baja Edad Media (El siglo XIV)”, 263.

2 . De plus, en commentant cette constitution, le même auteur affirme que « ipsi Iudaei convertantur non coguntur restituere usuras quas prius receperint » (198, qui par un erreur typographique a le numéro 568).

3 . J. Mascaró, “Los judíos de Menorca en la Baja Edad Media (El siglo XIV)”, 263.

4 . G. Llabrés i Quintana, « La conversión de los judíos mallorquines en 1391. Dato inédito », 153.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Etudes

  • Y. T. Assis, Jewish Economy in the Medieval Crown of Aragon 1213-1327. Money and Power (Leiden ; New York ; Köln : Brill, 1997).
  • F. Baer, A History of the Jews in Christian Spain, vol. 2 (Philadelphia : The Jewish Publication Society of America, 1971).
  • G. Llabrés i Quintana, « La conversión de los judíos mallorquines en 1391. Dato inédito », Boletín de la Real Academia de la Historia, 40 (1902), 152-154.
  • J. Mascaró, “Los judíos de Menorca en la Baja Edad Media (El siglo XIV)”, Revista de Menorca 74 (1983), 241-281.
  • T. Mieres, Apparatus super constitutionibus sive capitulis curiarum generalium Cathaloniae (Barcelone : typis & aere Sebastiani à Cormellas, 1621).

Mots-clés

conversion au christianisme ; Juifs/Judaïsme ; propriété ; usure

Auteur de la notice

Josep Xavier   Muntane Santiveri

Collaborateurs de la notice

Youna   Masset  :  relecture -corrections

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°246324, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246324/.

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