Hugues de Fagiano
Synode de Nicosie
Les chrétiens ne peuvent pas solliciter des médecins juifs ou musulmans
Ut nemo utatur medico infideli Prohibemus etiam districte ne quis Christianus sanus aut infirmus medicum advocet infidelem, Iudaeum videlicet aut Saracenum, sed nec ab eo, vel de ejus consilio, medicinam aliquam recipiat, quia hoc pia consideratione in sacris canonibus prohibetur. Nam ex hoc contigit nostrum fidem habri despectui, cum ipsi Iudaei vel Saraceni hujusmodi Christianorum uti minister didgnentur, et reputent propter hoc offendere suam legem.
C.Schabel, The Synodicum Nicosiense and other documents of the Latin Church of Cyprus, 1196-1373 (Nicosia, 2001), 96.
Que personne n'aie recours à un médecin infidèle Nous interdisons aussi strictement que tout chrétien en bonne santé ou malade appelle un médecin infidèle, qu'il soit juif ou sarrasub, ou bien qu'il reçoive de lui, ou encore sur son conseil, quelque médecine, parce que cela est interdit par considération pieuse dans les canons sacrés. En effet, à cause de cela il se produit que notre foi est considérée avec mépris, parce que les juifs eux-mêmes ou bien les sarrasins méprisent le prêtre de cette sorte de chrétiens, et pensent à ce propos qu'ils offensent leur loi.
C. Chauvin
C'est l'une des régulations de l'archidiocèse de Nicosie, enregistré par l'archevêque Hugues de Fagiano aux alentours de 1252. Ce texte se trouve dans le "Synodicum Nicosiense", une compilation réalisée par l'archevêque Elias de Nabinal vers 1340.
(répété dans le dixième canon d'un concile provincial tardif, p. 130-132).
Les Assises des Bourgeois du royaume de Jérusalem, qui avaient également cours à Chypre, autorisaient les médecins musulmans (et probablement également juifs) à pratiquer la médecine dans le royaume, aussi longtemps qu’ils étaient capables de prouver leur compétence. C’était apparemment commun à une période aussi éloignée que le XIIème siècle, quand Guillaume de Tyr notait que les rois de Jérusalem préféraient avoir recours aux médecins musulmans.123 Oussama ibn Munqidh observa également des médecins aussi bien chrétiens que musulmans pratiquaient la médecine dans le royaume.4
Bien évidemment, il y avait encore des médecins musulmans au XIIIème siècle, à chypre aussi bien que dans le pays. L’examen et l’autorisation de médecins non-chrétiens tombaient sous la juridiction ecclésiastique, selon les Assises de Jérusalem, mais en 1252, l’archevêque Hugues de Nicosie interdit aux chrétiens d’avoir recours à des médecins juifs ou musulmans. C’était en lien avec les enseignements des canons de l’Eglise : le décret de Gratien interdit également aux chrétiens de recourir à des médecins juifs. Cependant, il est probable que ce décret était ignoré ; il dut être répété plus tard au XIIIème siècle, et il y avait certainement des médecins juifs et musulmans pratiquant la médecine auprès des chrétiens de Chypre, incluant le roi, au XIVème siècle.5
1 . Willelmi Tyrensis episcopi Chronicon, ed. R.Huygens, Corpus Christianorum Continuation Mediaevalis 63-63A (Turnhout: Brepols, 1986), 859.
2 . P.Mitchell, Medicine in the Crusades: Warfare, Wounds, and the Medieval Surgeon (Cambridge, 2004), 31-34.
3 . S.Edgington, "Medicine and surgery in the Livre des Assises de la Cour des Bourgeois de Jérusalem" (Al-Masaq 17 (2005)), 90-91.
4 . The Book of Contemplation: Islam and the Crusades, trans. P.Cobb (London: Penguin Classics, 2008), 144-146.
5 . C.Schabel, "Religion", in Cyprus: Society and Culture, 1191-1374 (Leiden, 2005), 162-163.
Juifs/Judaïsme ; musulmans ; médecins
Claire Chauvin : traduction
Notice n°243900, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait243900/.