Juan II de Castilla
Ordonnance royale de Valladolid
Concentration des juifs et musulmans dans des quartiers fermés
1. Primeramente que de aqui adelante todos los judios, e moros, e moras de los mis regnos e señorios sean e vivan apartados de los christianos e christianas, en un logar aparte de la cibdad, villa o logar donde fueren vecinos, e que sean cercados de una cerca en redor, y tenga una puerta sola por donde se metan en tal circulo; e que en el dicho circulo, que los que assi fueren assignados, moren los tales judios e judias e moros e moras, y non en otro logar, ni cassa fuera de el, y que se comienze luego apartar desde el dia que les fueren asignados los logares fasta ocho dias primeros siguientes; e qualquier judio e judia o moro o mora que fuera del dicho circulo morare, por este mismo fecho que pierda todos sus bienes, y mas el cuerpo del tal judio o judia, o moro o mora, que sea a la mi merced, para le dar pena corporal por ello, segunt la mi merced fuere
Francisco Fernandez y Gonzalez, Estado social y político de los mudéjares de Castilla, Madrid, 1985, 397-399; 400-405
1. Tout d'abord, que désormais tous les juifs et tous les musulmans, hommes et femmes, de mes royaumes et seigneuries soient et vivent séparés des chrétiens et des chrétiennes, dans un endroit à part de la ville, du village ou du lieu où ils seraient voisins, qu’ils soient entourés d'une muraille et qu’il y ait une seule porte par laquelle ils entrent dans cet enclos. Et les personnes susnommées : les juifs et les juives, les musulmans et les femmes musulmanes, doivent vivre dans un tel enclos qui leur sera affecté, et nulle part ailleurs, ni dans une maison en dehors de lui. Ils devront commencer à se séparer à partir du jour où les lieux leur seront affectés et jusqu'aux huit premiers jours suivant. Et tous les juif et tous les musulmans, hommes ou femmes, qui vivraient à l’extérieur de l'enclos, perdront leurs biens simplement pour cette raison, et leurs corps devront être laissés à ma volonté, pour [qu’ils reçoivent] la peine corporelle due.
A. Oulddali
La mesure qui consistait à séparer les juifs et les musulmans en les installant dans des quartiers distincts s’inscrit dans une longue tradition, puisqu’elle figurait déjà dans les pactes souscrits avec les dhimmīs, et plus tard avec les minorités. Cependant, elle n’a été appliquée de manière systématique dans les villes ibériques qu’assez tardivement, après le XIIIe siècle, et plus radicalement après la Cortes de 1490, en préparation de la guerre de Grenade. La loi ordonne le déplacement des communautés concernées par la ségrégation vers un enclos fortifié, possédant une porte unique, dans un délai fixé. Nous savons néanmoins qu’aucune de ces exigences n’a été pleinement remplie : les quartiers n’étaient généralement pas fermés, il y avait plusieurs portes ou voies d’accès, et le déplacement des populations vers ces lieux se faisait dans des délais beaucoup plus longs, tandis que de nombreux musulmans et juifs ont gardé leurs commerces dans les anciens locaux, créant ainsi de nouvelles voies de circulation au sein des villes.
L’ordonnance royale de Valladolid précisant les conditions dans lesquelles les juifs et les musulmans devaient vivre dans le royaume a essayé de résoudre le problème de ces minorités qui vivaient dispersés parmi les autres habitants des cités castillanes, comme ce fut le cas partout à travers le territoire et dans les villes de toutes tailles. Bien que l'ordonnance n'ait jamais été réellement appliquée dans tout le royaume, certaines villes ont vu leurs nouveaux quartiers construits à cette époque, comme Valladolid. Le décret final des Cortes de Tolède en 1490 s’est fondé sur cette compilation, et atteint enfin ses objectifs: les musulmans et les juifs ont été déplacés dans des ghettos nouvellement créés pour eux, et même leurs synagogues et leurs mosquées devaient être autorisées dans les nouveaux enclos, le plus souvent sur des terres fournies par l'Église elle-même. Il s’en est suivi des protestations de la part des artisans qui ont dû quitter leurs ateliers et commerces, les laissant sans surveillance, et ont vu leurs boutiques mises à sac ou leurs produits spoliés. Des exceptions furent alors concédées pour des raisons économiques.
cohabitation ; quartier juif ; quartier musulman
Ahmed Oulddali : traduction
Notice n°243846, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait243846/.