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Consilium[Conseil du 19 septembre 1357]

Titre en français

Registre des délibérations de la ville de Marseille, 1357-1359

Titre descriptif

Les juifs sont expulsés de la juiverie et relogés ailleurs dans la ville, les habitations de la juiverie étant attribuées aux habitants des faubourgs de la ville, relogés là du fait des périls militaires

Texte

Placuit maiori et saniori parti dicti concilii requirere dominum vicarium, quatenus attento quod homines burgorum, ad obedientiam domini vicarii et concilii generalis Massilie, dimittentes stagias eorum burgorum eorum victualia et bona et uxores et liberos in civitatis cum se ipsis transducte volunt, ne inimici Reginales possent hanc civitatis, ut illorum est intentio reproba, et littere directe noviter per dominum senescalum Provincie, pro facto burgorum ut se infra civitatem cum eorum bonis transferrent, ponere in obsidione et quod absit eorum repatibus manibus usurpare et civitas perdere excellentie Reginali. Pro facto burgorum, videlicet placuit reformare maiori parti concilii quod ad ipsorum burgorum hominum stagias detur tota jusataria Massilie sicut pluries supplicaverunt et ad huc supplicant et requirunt ut agriculture possint esse propinquiores et judeys detur alia stagia infra civitatem Massilie que lata est copiosa. Et dictus dominus vicarius respondit quod ipse vult et intendit super predictis deliberare et sic in predictis providere quod erit bonus status civitatis et consolatio proborum predictorum de Burgis. De quibus omnibus in dicta refformatione contentis magistrum Hugo de Geminis notarius et plures alii de Burgis et concilio petierunt publicum et publica instrumenta. Actum Massilie in aula dicti consilii generalis in presencia et testimonio Johannis Audeberti notarius et Petri Henrici preconis curie civium Massilie et ad hec specialiter vocatorum et rogatorum, et mei Petri Amelii notario publico Massilie etc

Langue

Latin

Source du texte original

Archives Municipales de Marseille, BB 22, fol. 21v.

Datation

  • Date fixe : 19/09/1357

Aire géographique

Traduction française

Il a plu à la plus grande et à la meilleure part dudit conseil de demander au seigneur viguier, dans la mesure où les hommes des faubourgs, en obéissance du seigneur viguier et au conseil général de Marseille, renonçant à leur maisons des faubourgs, veulent emmener avec eux leurs vivres et leurs biens et leurs femmes et enfants en ville, afin que les ennemis de la Reine ne puissent mettre le siège à cette ville, comme il est dans leur mauvaise intention, et conformément à des lettres récemment reçues du seigneur sénéchal de Provence en vue du transfert des faubourgs et de leurs biens dans la ville, et afin qu'il n'arrive pas que de leurs mains dévastatrices ils [les ennemis] n’usurpent et perdre la ville à son excellence royale. Au sujet des faubourgs, il a ainsi plu à la plus grande part du conseil de décider que l'on donne comme maisons aux hommes des faubourgs, toute la juiverie de Marseille, ainsi que nombreux l'ont supplié et supplient et requièrent afin de rester proches de leurs terres cultivées, et que l'on donne un autre logement aux juifs dans la ville de Marseille, qui est suffisamment vaste pour cela. Et ledit seigneur viguier répondit qu'il voulait et entendait lui-même décider de ce qui précède, et y pourvoir de la façon qui sera le bon droit de la ville et la consolation des probes hommes susdits des faubourgs. De toutes ces choses contenues dans cette délibération, le seigneur Hugues de Gémenos, notaire, et plusieurs autres des faubourgs et du conseil demandèrent un et des instruments publics. Fait à Marseille dans la salle dudit conseil général, en présence et témoignage de Jean Audebert notaire et de Pierre Henri crieur de la cour des citoyens de Marseille, pour cela spécialement appelés et sollicités, et de moi Pierre Amiel notaire public de Marseille etc.

Source traduction française

François Otchakovsky-Laurens

Résumé et contexte

Cette délibération est extraite des registres de la municipalité marseillaise, régulièrement tenus depuis au moins 1319 (premier registre complet connu). Suite à la demande du sénéchal de Provence, et devant les dangers militaires d'un siège de la ville, les faubourgs de Marseille sont évacués, et leurs habitants obtiennent d'être relogés dans la juiverie, à proximité de leurs champs cultivés. Les juifs seront eux-mêmes relogés dans la ville. La menace militaire est réelle, et la situation très défavorable motive ces mesures d'évacuation des faubourgs. Les troupes du routier Arnaud de Cervole (« l'Archiprêtre »), se sont répandues en Provence suite à la bataille de Poitiers ; la ville d'Aix Marseille vient de demander secours militaire à celle de Marseille, qui n'y pourvoit que parcimonieusement, pour préserver sa propre défense. Les habitants des faubourgs sont à l’origine de la demande d’expulser à leur profit la juiverie. Cette décision est l'objet de désaccords, indiqués par plusieurs indices : la décision est prise trois jours seulement après réception de la lettre du sénéchal, premier officier royal de Provence ; le viguier n'obtempère pas immédiatement à la décision prise ; à l'intérieur même du conseil, ce n'est que la major et sanior pars, donc pas l'ensemble, qui délibère ainsi ; enfin, l'enregistrement est corrigé sur de nombreux points a posteriori, d'une autre main, notamment pour ajouter le second paragraphe contenant les réserves du viguier. La communauté juive dispose d’influence et de relais auprès des officiers royaux et dans la municipalité, notamment des élites et notables chrétiens. Elle a sans doute réussi à atténuer le préjudice occasionné par ce délogement massif. Elle obtient son relogement dans trois autres sizains (quartiers) de la ville, et des exceptions, notamment le médecin Salves et probablement les membres des influentes familles Bédarride et Bondavin, dont les délibérations suivantes indiquent les possessions dans la juiverie1. Elle revient vers le conseil, sous la forme d’une supplication, et obtient de lui de pourvoir à son bon logement dans la ville2.

1 . Archives municipales de Marseille (= AMM), séance du conseil du 23 septembre 1357, BB 22 fol. 27r.

2 . AMM, séance du conseil du 26 septembre 1357, BB 22 fol. 28v

Signification historique

On ne connaît pas le détail des conditions de ce relogement–expulsion massif. S’il ne fut bien entendu pas favorable à la communauté juive marseillaise, il faut se garder, comme l’a recommandé Juliette Sibon dans sa thèse, de noircir le tableau : les juifs marseillais étaient relativement bien intégrés à la vie de la cité, par des liens personnels avec les élites urbaines, et par leur rôle économique – notamment les prêts consentis en faveur des autorités. D’une part, le conseil cherche à assurer un relogement aux juifs, et ménage des exceptions. D’autre part, les désaccords notés plus haut indiquent les tendances contradictoires au sein de la communauté civique marseillaise : les habitants des faubourgs réclament l’expulsion de la juiverie, au prétexte de sa proximité avec leurs terres agricoles ; mais la mesure ne fait pas l’unanimité, le gouvernement municipal ne souhaite pas le départ des juifs, nécessaires à la vie économique et intégrés à la ville. Au passage, cette mesure permet aux juifs d’échapper à l’obligation d’habiter un quartier spécifique, déjà appliquée de façon souple1. Enfin les juifs parviennent à faire entendre et prendre en compte leurs intérêts au sein du conseil.

1 . La première mention de cette obligation est contenue dans une criée du 10 mars 1320, et connaît immédiatement une dérogation. Juliette SIBON, « La communauté juive dans la cité : la juiverie de la ville basse », dans T. PÉCOUT (dir.), Marseille au Moyen Âge, les horizons d’une ville portuaire, Méolans-Revel, éd. Désiris, 2009, p. 111-114.

Manuscrits

  • Archives Municipales de Marseille, BB 22, fol. 21v.

Etudes

  • J.Sibon, "La communauté juive dans la cité : la juiverie de la ville basse", T. Pécout (ed.), Marseille au Moyen Âge, les horizons d’une ville portuaire (Méolans, 2009), 111-114.

Mots-clés

expulsion ; quartier juif

Auteur de la notice

François   Otchakovsky-Laurens

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°243426, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait243426/.

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