Concile de Tours
Interdiction des violences anti-juives
De judeis Nos autem districtius inhibemus ne cruce signati vel alii christiani judeos occidere seu verberare, vel bona eorum invadere, vel auferre vel quascumque minas seu injurias eisdem inferre presumant, cum Ecclesia judeos sustineat, que non vult mortem peccatoris, sed ut magis convertatur et vivat [cf. Ez. 18:23 & 33:11], scituri quod si contra attentare presumpserint, ultionem canonice non evadent.
J. Avril, Les Conciles de la province de Tours (XIIIe-XV siècles) (Paris, 1987), 158-9.
A propos des juifs Nous interdisons strictement aux croisés et aux autres chrétiens d'oser tuer ou battre des juifs, de saisir leurs biens, ou de les emporter, et de leur faire aucune menace ou violence. Car l’Église protège les juifs, qui ne souhaite pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et vive [Ez 18, 23 et 33, 11]. Qu'il soit connu que ceux qui oseraient les attaquer n'éviteraient pas le châtiment canonique.
C. Nemo-Pekelman
Le concile provincial de Tours se réunit dans une atmosphère de désarroi engendrée, à l'intérieur de la province, par les rivalités entre Français et Anglais - et les allégeances des seigneurs séculiers à l'un ou l'autre royaume-, et par les violences des croisés, qui abusaient des immunités que leur procurait leur statut de cruce signati. C'est cette dernière question en particulier qui préoccupe les clercs rassemblés au présent concile. Réitérant, tout en le développant, un canon du concile précédent de Château Gontier (1231)1, les prélats déclarent, canon 1, que si un croisé a été arrêté pour meurtre ou pour un autre "crime monstrueux" par les autorités séculières, il doit être jugé par le tribunal ecclésiastique. Si ce dernier le reconnaît coupable, il sera dépouillé de ses privilèges de croisé pour être ensuite rendu aux autorités séculières. Le canon 2 suit immédiatement ce canon et montre à quel point cette violence anarchique des croisés fut dirigée contre les juifs. Il interdit strictement les violences contre eux, en rappelant que l’Église cherche à sauver le pécheur, et non à le détruire.
1 . J. Avril, ed., Les Conciles de la Province de Tours, p. 148
Ce canon fait partie des quelques textes faisant allusion à des violences de croisés contre les juifs dans la province de Tours (qui embrassait tout l'ouest actuel de la France) pendant les années 1230. Plusieurs lettres du pape Grégoire IX à différents prélats et dirigeants séculiers de la région mentionnent également ces violences : le pape affirme que 2500 juifs sont morts dans la région au cours de massacres et réclame aux autorités laïques et ecclésiastiques des mesures pour prévenir et punir ces crimes.
conversion forcée ; croisade ; guerre ; Juifs/Judaïsme ; tribunal ecclésiastique ; violence
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°137043, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait137043/.