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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 233]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

À propos des médecins dont les patients meurent alors qu'ils en ont la charge

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison et le dreit des mecines et des euvres des fisiens qui dounent a aucun malade aucun sserob ou aucune medessine ou aucun laituaire, dont il meurt par sa male garde. Cil avient par aucune aventure que I mien esclaf ou esclave seit malade de courrance, et I miege vient a son seignor ou a sa dame et li dit que mout bien le garni, et sacorde o le seignor a pris fait, et puis avient que celui li dounet choses laschatives ou choses chaudes par qui le fiege li est tout poury, et est ale de soute as chambres, et il li devet douner choses estraignant et freides, et il ne le fist pas si com il dut, et por ce est mors: la raison iuge et coumande a iuger que celuy miege est tenus de rendre me I autel serf ou le pris de tant come il ma couste iusques a celuy ior quil moruth, et ce est dreit et raison par lasise… …Encement si ie ai I mien esclaf malade de meselerie ou de roigne seche ou daucune autre maladie, et ie viens a I miege et li fais convenant que cil le garisse, la moitie de ce que il sera vendus sera sien et lautre de son seignor qui la achete, et celuy miege le prent en cure et i fait ce que il sait, mais ne vaut riens, que celuy meurt: la raison iuge que de ce fait nest point tenus par dreit le miege damender, por ce quil i pert tout premier son travaill, et tout ce quil en devet aver, et ce est dreit et raison par lassise. Encement se aucun miege avoit enci mege aucun franc home ou franche feme, la raison iuge que celuy miege devra estre pendus, et can que il a det estre dou seignor… …Bien saches que en tous ces mesfais deit aver, par dreit, garanties II, ains que le miege soit atains, se il renée ce quil ne lait enci mege com dit est desus... Atant det estre ataint par raison de celuy murtre ou dou Crestien, ou dou serf quil deit amender, ou dou Crestien don il det estre pendu si come est dit desus, car ce est dreit: car autrement ne deit il mie estre ataint par dit des gens ou dou malade, sans plus. Encement nul miege estranger, ce est qui veigne doutremer ou de painime ne det meger dorinc nuluy iusques a ce que il soit esproves par autres mieges, les meillors de la terre, en la presence dou vesque de la terre devant qui se det estre fait. Et son counut que celuy soit dreit heir de megerie meger, coumandement li det donner le vesque diqui en avant de meger par la vile la ou il vora par les lettres dou vesque que il en aura de guarentie que mieges est...

Langue

français

Source du texte original

E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart, 1839), 259.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, probablement pendant la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu’une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites dans les derniers moments du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi concernant les médecins et les actes des physiciens qui donnent à une personne malade un sirop, une médecine ou un électuaire à cause desquels la personne meurt en raison de la pauvreté du traitement qu'on lui a administré. S'il arrive par hasard qu'un ou une de mes esclaves soit malade de la courante et qu'un médecin vienne à son seigneur ou à sa dame et lui dit qu'il va facilement le guérir, et si le médecin s'entend avec le seigneur sur un prix défini, si ensuite il arrive qu'il donne à l'esclave des produits laxatifs ou chauds ou qui rendent le foie purulent et le font descendre du ventre aux intestins, alors que le médecin aurait dû lui donner des produits astringents et froids et qu'il ne l'a fait pas comme il l'aurait dû et que pour cette raison l'esclave meure, la loi juge et ordonne de juger que le médecin soit obligé de me donner un autre esclave ou le prix que m'a coûté l'esclave jusqu'au jour de sa mort ; et ceci est légal et raisonnable selon les assises… ...De même si j'ai un ou une esclave malade de la lèpre, d'une rugosité de la peau ou d'une autre maladie et si je vais chez un médecin et m'accorde avec lui pour que, s'il le guérit, il reçoive la moitié du prix auquel il sera payé, le seigneur qui l'a acheté recevant l'autre moitié, 1, et si ensuite le médecin soigne l'esclave et fait tout ce qu'il sait, mais que cela ne vaille rien et l'esclave meure, la loi juge que le médecin n'est pas obligé d'en faire amende parce qu'il a déjà perdu son travail et tout ce qu'il aurait dû gagner, et ceci est légal et raisonnable selon les assises. En outre, si un médecin soigne de la même manière un homme franc ou une femme franche, la loi juge qu'il doit être pendu et que toute sa propriété tombe aux mains du seigneur. Mais avant qu'il ne soit pendu, il doit être mis au pilori et traîné dans toute la ville, avec un urinal entre ses mains, car ceci est légal et raisonnable… Et vous sachez bien que pour tous ces méfaits, selon la loi il faudrait deux témoins afin de condamner le médecin, s'il nie avoir fait tout ce qui est expliqué ci-dessus… Après avoir été condamné du meurtre d'un esclave il doit payer la compensation, et pour un chrétien il doit être pendu, comme il est expliqué ci-dessus, car ceci est légal, car autrement il ne doit pas être condamné pour les réclamations d'une autre personne ou de la personne malade, sans aucune autre preuve. De même aucun médecin étranger, c'est-à-dire qui vient d'outre-mer ou d'un pays païen, ne doit exercer la médecine pour les malades urinaires, jusqu'à ce qu'il soit approuvé par d'autres médecins, les meilleurs médecins de la terre, en présence de l'évêque de la terre devant lequel il doit être présenté. Et après que l'évêque aura reconnu qu'il peut exercer convenablement la médecine, l'évêque doit lui donner son approbation afin qu'il puisse exercer la médecine dans toute la ville où il a été approuvé, par les lettres de l'évêque qui le garantissent comme un vrai médecin…

1 . Selon Coureas ce serait l'ancien seigneur qui a vendu l'esclave au seigneur actuel qui recevrait l'argent.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Comme le chapitre 231, cette assise est une longue digression sur la pratique de la médecine avec des exemples répétitifs des différentes sortes de maladies desquelles pouvaient souffrir un esclave ou une personne libre et les différents traitements qu'un médecin pouvait utiliser. Une partie du texte est omise ici : entre autres choses, le chapitre traite également de la saignée comme remède pour la fièvre et les coups de froid ; la scammonée comme remède pour l'œdème; et les remèdes pour maladies de l'anus. Dans chaque exemple, si l'esclave meurt ou est estropié par les actes du médecin, celui-ci doit verser une somme pour compenser (le mal fait à l'esclave). Si le patient est un chrétien, le châtiment est plus sévère : le médecin devra être pendu. L'assise note aussi que des témoins valables sont requis afin de reconnaître la faute du médecin. La fin du chapitre ajoute qu'il est permis aux médecins musulmans de pratiquer le médecine, mais on doit les approuver, comme n'importe quel autre médecin.

Signification historique

La plus grande partie de cette assise consiste en la description de diverses affections et traitements qui paraissent plutôt hors sujet par rapport au reste des assises. Prawer suggère que l'auteur ou le compilateur de ce texte ne fait que fanfaronner au sujet de ses propres connaissances médicales même s'il n'était certainement pas médecin lui-même.1 Les descriptions reflètent le savoir médical du Moyen Âge : voir par exemple la discussion de l'auteur à propos des humeurs chaudes et froides, et de la saignée. Les affections énumérées dans le texte comprennent des maladies du ventre et de l'intestin, des fièvres, des rhumes, de l'œdème, et de la lèpre. Ce chapitre, comme le 231, figure parmi d'autres assises sur la propriété endommagée sans doute parce que les esclaves étaient considérés comme une "commodité" comme tout autre propriété qui pouvait être endommagée. Entre ces deux chapitres, le chapitre 232 traite exactement des mêmes sujets, mais concernant un autre type de propriété, les animaux plutôt que les esclaves.2 Cependant, il est également probable que ces chapitres soient inclus dans cette partie des assises parce qu'ils sont relatifs aux fonctions du "mathesep", le muḥtasib en arabe, qui est chargé de réguler le commerce, les marchés, et d'autres activités commerciales.3

Comme au chapitre 231, cette assise suggère que les hommes libres sont chrétiens et que les esclaves ne le sont pas même si elle ne mentionne pas explicitement que les esclaves sont musulmans. D'ordinaire les assises ne mentionnent pas la religion ou l'appartenance ethnique des esclaves sauf celles qui disent que les esclaves peuvent devenir libres en se convertissant au christianisme, ce qui implique que les esclaves soient au moins des non-chrétiens, si non toujours des musulmans. On n'avait pas le droit de réduire les chrétiens en esclavage conformément à la loi des croisés (même si parfois on les faisait passer pour musulmans et vendait des chrétiens orientaux).45 Dans l'esprit des croisés, les chrétiens (c'est-à-dire ici les catholiques latins) étaient normalement associés à la liberté et donc les fidèles des autres religions, dont les musulmans, étaient normalement assimilés à la servitude. Il est probable que les croisés n'aient jamais prêté la moindre attention aux habitants musulmans du royaume sauf lorsqu'il leur fallait être en contact avec eux comme lorsque les musulmans servaient comme esclaves ou lorsque, comme dans cette assise, un esclave était blessé ou avait besoin d'être soigné. Autrement les musulmans n'apparaissent que rarement dans les sources narratives aussi bien que légales et habituellement seulement après coup. 6 Ce statut de seconde classe des musulmans et des autres non catholiques est aussi montré par les différents châtiments destinés au médecin incompétent. S'il cause la mort d'un esclave, il doit payer une compensation, mais s'il cause la mort d'un catholique, il est pendu. D'un autre côté, les médecins musulmans avaient le droit de pratiquer la médecine dans le royaume aussi longtemps qu'ils pouvaient prouver leurs compétences. Cela était manifestement commun dès le XIIe siècle lorsque Guillaume de Tyr note que les rois de Jérusalem préfèrent employer des médecins musulmans.78 Oussama ibn Munqidh a fait également observer que des médecins chrétiens et musulmans pratiquaient la médecine au royaume.9 Cette pratique devait continuer jusqu'au XIIIe siècle, à Chypre comme sur le continent. En 1252, l'archevêque Hugues de Nicosie délivre un document, inclus plus tard dans le Synodicum Nicosiense du XIVe siècle, qui empêche les chrétiens de chercher les médecins musulmans ou juifs. (Voir le canon 14 du Synodicum.)

Ces assises peuvent dériver en partie de l'ancienne Lex Aquilia romaine qui punissait les physiciens qui blessaient ou tuaient un esclave à cause de leur incompétence. La Lex Aquilia fut publiée au IIIe siècle av. J.-C. et fut conservée dans le Digeste et les Institutes ; voir en particulier Dig. 9.7.7. Prawer note que d'autres parties des assises qui portent sur la propriété perdue ou endommagée semblent aussi être liées à cette loi romaine.10

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 368.

2 . S. Edgington, "Medicine and surgery in the Livre des Assises de la Cour des Bourgeois de Jérusalem" (Al-Masaq 17 (2005)), 88-90.

3 . J. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 86-87.

4 . J. Prawer, 208-211.

5 . J. Riley-Smith, 62-63.

6 . H. Mayer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem," History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983), 175 et 185.

7 . Willelmi Tyrensis episcopi Chronicon, ed. R. Huygens, Corpus Christianorum Continuation Mediaevalis 63-63A (Turnhout, 1986), 859.

8 . P. Mitchell, Medicine in the Crusades: Warfare, Wounds, and the Medieval Surgeon (Cambridge, 2004), 31-34.

9 . The Book of Contemplation: Islam and the Crusades, trans. P. Cobb (London, 2008), 144-146.

10 . Prawer, 370.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A. Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, vol. 2 : Lois (Paris, 1843, repr. Farnborough, 1967).
  • N. Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus (Nicosia, 2002).
  • V. Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois (Rennes, 1839).
  • E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart, 1839).
  • C. Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI (Paris, 1877).

Traductions

  • N. Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus (Nicosia, 2002).
  • S. Edgington, "Medicine and surgery in the Livre des Assises de la Cour des Bourgeois de Jérusalem", Al-Masaq 17 (2005), 87-97.
  • V. Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois (Rennes, 1839).
  • C. Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI (Paris, 1877).

Etudes

  • S. Edgington, "Medicine and surgery in the Livre des Assises de la Cour des Bourgeois de Jérusalem". Al-Masaq 17 (2005), 87-97.
  • H. Mayer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem," History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983), 175-192.
  • P. Mitchell, Medicine in the Crusades: Warfare, Wounds, and the Medieval Surgeon (Cambridge, 2004).
  • J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • J. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973).

Mots-clés

esclaves ; guérison ; musulmans ; médecins

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136975, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136975/.

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