Nom de la loi

Plébiscite autorisant exceptionnellement la réitération du consulat pendant la durée de la guerre contre Carthage

Date

217 av. J.-C.

Rogator

tribun de la plèbe inconnu

Thèmes

Sources

Liv., 27, 6, 2-8
2. Ipse comitia in quem diem primum potuit edixit ; quae certamine inter tribunos dictatoremque iniecto perfici non potuerunt. 3. Galeria iuniorum, quae sorte praerogatiua erat, Q. Fuluium et Q. Fabium consules dixerat, eodemque iure uocatae inclinassent ni se tribuni plebis C. et L. Arrenii interposuissent, 4. qui neque magistratum continuari satis ciuile esse aiebant et multo foedioris exempli eum ipsum creari qui comitia haberet ; 5. itaque si suum nomen dictator acciperet, se comitiis intercessuros : si aliorum praeterquam ipsius ratio haberetur, comitiis se moram non facere. 6. Dictator causam comitiorum auctoritate senatus, plebis scito, exemplis tutabatur : 7. namque Cn. Seruilio consule cum C. Flaminius alter consul ad Trasumennum cecidisset, ex auctoritate patrum ad plebem latum plebemque sciuisse ut, quoad bellum in Italia esset, ex iis qui consules fuissent quos et quotiens uellet reficiendi consules populo ius esset ; 8. exemplaque in eam rem se habere, uetus L. Postumi Megelli, qui interrex iis comitiis quae ipse habuisset consul cum C. Iunio Bubulco creatus esset, recens Q. Fabi, qui sibi continuari consulatum nisi id bono publico fieret profecto nunquam sisset.

Bibliographie

  • Drumann-Groebe, Geschichte Roms, 5, 4 et n. 7
  • Mommsen, Staatsr., 1, 500, n. 1 et 518 = Dr. publ., 2, 150, n. 1 et 171
  • Patterson, M. L., « Rome’s Choice of the Magistrates during the Hannibalic War », TAPhA 73, 1942, 319-340 (part. 319-324)
  • Scullard, RP, 48, n. 2
  • Bleicken, Volkstribunat, 46-47
  • Rögler, G., « Die lex Villia annalis. Eine Untersuchung zur Verfassungsgeschichte der römischen Republik », Klio 40, 1962, 76-123 (part. 86-88)
  • Bleicken, J., Lex publica, 131, 175-176
  • Rilinger, R., « Die Ausbildung von Amtswechsel und Amtsfristen als Problem zwischen Machtbesitz und Machtgebrauch in der Mittleren Republik (342 bis 217 v. Chr.) », Chiron 8, 1978, 247-312 (part. 249, 308-309)
  • Develin, R., Patterns in Office Holding 366-49 B.C., Bruxelles, 1979, 16
  • Corey Brennan, T., « C. Aurelius Cotta, praetor iterium (CIL, I2 610 », Athenaeum 67, 1989, 567-487
  • Billows, R., « Legal Fiction and Political Reform at Rome in the Early Second Century BC », Phoenix 43, 2, 1989, 112-123 (part. 114)
  • Brennan, Praetorship, 2, 647-652
  • Elster, GMRR, 192 et n. 744.

Commentaire

La source unique indiquant l’existence de ce plébiscite et plaçant son vote en 217 est Tite-Live, qui ne le mentionne pas au livre 22 dans son récit des événement de cette année-là, mais, rétrospectivement, au livre 27 à l’occasion d’un débat institutionnel advenu en 210 lors des élections consulaires présidées par le dictateur Q. Fuluius Flaccus (RE 59), dictator comitiorum habendorum causa (Liv., 27, 5, 14-19 14. Haec recitata a consule ita mouere senatum ut non exspectanda comitia consuli censeret, sed dictatore comitiorum habendorum causa dicto extemplo in prouinciam redeundum. 15. Illa disceptatio tenebat quod consul in Sicilia se M. Valerium Messallam qui tum classi praeesset dictatorem dicturum esse aiebat, Patres extra Romanum agrum — eum autem Italia terminari — negabant dictatorem dici posse. 16. M. Lucretius tribunus plebis cum de ea re consuleret, ita decreuit senatus ut consul priusquam ab urbe discederet populum rogaret quem dictatorem dici placeret, eumque quem populus iussisset diceret dictatorem ; si consul noluisset, praetor populum rogaret ; si ne is quidem uellet, tum tribuni ad plebem ferrent. 17. Cum consul se populum rogaturum negasset quod suae potestatis esset, praetoremque uetuisset rogare, tribuni plebem rogarunt, plebesque sciuit ut Q. Fuluius, qui tum ad Capuam erat, dictator diceretur. 18. Sed quo die id plebis concilium futurum erat, consul clam nocte in Siciliam abiit; destitutique Patres litteras ad M. Claudium mittendas censuerunt ut desertae ab collega rei publicae subueniret diceretque quem populus iussisset dictatorem. 19. Ita a M. Claudio consule Q. Fuluius dictator dictus, et ex eodem plebis scito ab Q. Fuluio dictatore P. Licinius Crassus pontifex maximus magister equitum dictus.). Selon Tite-Live, alors que le dictateur Fuluius avait pris en compte sa propre candidature pour le consulat en 209, les tribuns C. et L. Arrenius (RE 1 et 2-3) s’y seraient opposés, arguant qu’il y aurait eu là un cas de continuatio illégale d’une magistrature (Fuluius, cos. III en 212 et dictateur en 210, n’aurait pas pu devenir consul en 209) et parce qu’il ne pouvait cumuler les rôles de président des comices et de candidat. C’est le dictateur qui invoqua dans son discours de réponse aux tribuns une loi d’exception, un plébiscite voté sept ans plus tôt après la défaite de Trasimène. Ce plébiscite autorisait le peuple à réélire au consulat d’anciens consuls et même plusieurs fois (quotiens), aussi longtemps que durerait la guerre contre les Carthaginois en Italie. Dans la logique du récit livien, cette loi aurait dérogé à titre temporaire à une mesure interdisant l’itération du consulat avant un délai de dix ans, peut-être un plébiscite dû à L. Genucius (RE 5) en 342 av. J.-C. (voir notice n° 564) (Liv. 7, 42, 1-2 1. Praeter haec inuenio apud quosdam L. Genucium tribunum plebis tulisse ad plebem ne fenerare liceret ; 2. item aliis plebi scitis cautum ne quis eundem magistratum intra decem annos caperet neu duos magistratus uno anno gereret utique liceret consules ambos plebeios creari. ; Liv. 10, 13, 8 Acuebat hac moderatione tam iusta studia ; quae uerecundia legum restinguenda ratus, legem recitari iussit, qua intra decem annos eundem consulem refici non liceret.) dont l’authenticité est discutée (infra). Fuluius Flaccus fut donc élu au consulat pour 209. Si on suit les indications de Tite-Live, le plébiscite aurait été voté quelque temps après l’arrivée à Rome de la nouvelle de la défaite à Trasimène, en tenant compte du délai nécessaire pour les délibérations sénatoriales, la promulgation d’une rogatio et son vote, soit durant l’été de 217.

L’existence, le contenu éventuel et les possibles motivations de ce plébiscite ont suscité de nombreuses discussions.

Mommsen ne fait état que d’un sénatus-consulte, alors que Tite-Live mentionne expressément un plébiscite (§ 6 plebis scito) et précise même les étapes de son élaboration (§ 7 ex auctoritate patrum, présentation à la plèbe et approbation par celle-ci, avec une brève évocation de la terminologie usuelle du praescriptum des plébiscites adoptés : § 7 ad plebem latum plebemque sciuisse). La position de Mommsen (qui, à vrai dire, n’exclut pas expressément un plébiscite confirmant le s.-c.) a été argumentée par Rögler, 86 (suivi par Elster, 192), selon qui le peuple n’était appelé qu’à départager par son vote les candidats retenus par le magistrat président des comices et n’avait pas compétence pour les autoriser à se présenter, mais elle a été réfutée par Develin, 16, n. 7, pour qui un vote populaire ratifiant un s.-c. était chose courante.

Le caractère rétrospectif de la mention d’une loi par Tite-Live a également suscité des doutes à propos de l’authenticité même de son récit (Rögler, 86), bien que le fait ne soit pas exceptionnel (voir Ferrary, Festschrift Bleicken, 113-117).

Mais le débat essentiel porte sur l’existence même d’un plébiscite antérieur prohibant l’itération du consulat pendant une période de dix ans, qui aurait donc rendu nécessaire le recours à une mesure dérogatoire dans des circonstances particulières. Le dossier du plébiscite de 217 et celui du plébiscite de 342 sont donc intrinsèquement liés, et ce simple plébiscite de circonstance joue un rôle dans la reconstitution des règles établies pour organiser l’élection au consulat et la compétition aristocratique dont elle était l’objet.

La majorité des commentateurs acceptent la présentation des événements donnée par Tite-Live et donc la réalité d’un plébiscite en 217 (Patterson, 321 ; Bleicken, Volkstribunat, 47, n. 1 ; Scullard, 48, n. 2 ; Rilinger, 1978, 249, avec hésitation ; Develin, 16 et n. 7 ; Corey Brennan, Athenaeum. 468), mais d’autres considèrent que les listes de consuls entre 342 et 217 attestent un trop grand nombre de réélections de consuls pendant le délai de dix ans pour que l’on puisse accepter l’idée d’une loi générale, qu’il s’agisse ou non du plébiscite de Genucius, suspendue à plusieurs reprises par des décisions semblables au plébiscite placé en 217 par Tite-Live. Il s’agirait donc d’une rétroprojection par Tite-Live ou ses sources annalistiques d’une pratique qui peut remonter au début du IIe s. (Billows, 129 et n. 31).

Une position moyenne a été présentée par Corey Brennan (Praetorship, 648-649, modifiant sa position antérieure) qui n’accepte pas l’idée d’une prohibition ancienne du consulat dans les dix ans : la loi ancienne n’aurait prohibé que la continuatio immédiate d’un consul de l’année en cours et l’élection du magistrat président des comices. Le plébiscite de 217 aurait alors expressément permis l’élection au consulat d’un précédent titulaire d’un autre imperium (donc un dictateur comme Fuluius) et aurait éliminé toute limitation du nombre des itérations (cf. § 7 quotiens).

D’autres discussions, parmi les auteurs acceptant l’essentiel du récit de Tite-Live, portent sur la motivation du plébiscite : outre la justification avancée dans le récit de l’historien, à savoir la volonté de donner au peuple le droit de réélire, en contexte de guerre (§ 7 quoad bellum in Italia esset), des généraux dont la valeur avait été éprouvée, on a voulu découvrir dans le choix du dictateur Fuluius de faire élire à ses côtés Q. Fabius Maximus (RE 216) dont il était proche (Scullard, 48, n. 2 ; Bleicken, Volkstribunat, 47, n. 1).

Enfin, on a voulu étendre aux prétoriens la dispense accordée aux consulaires par le plébiscite (Drumann-Groebe), en se fondant sur la réélection à la préture pour 216 de M. Pomponius Matho (RE 18), qui l’avait été en 217 (Broughton, MRR, II, 246 n. 4, prudent quant à l’identification des deux personnages de ce nom). Mais l’examen des fastes ne permet pas de supposer une interdiction d’itération de la préture aux IVe et IIIe s. (Corey Brennan, Athenaeum, 468 et 484-86).

Comment citer cette notice

Philippe Moreau. "Plébiscite autorisant exceptionnellement la réitération du consulat pendant la durée de la guerre contre Carthage", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice278/. Date de mise à jour :15/02/23 .