> Extrait

Lycophron, Alexandra, 738-765.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Précisions : (datation incertaine)

Texte (version originale)

βύκτας δ᾽ ἐν ἀσκῷ συγκατακλείσας βοός,

παλινστροβήτοις πημοναῖς ἀλώμενος

κεραυνίῃ μάστιγι συμφλεχθήσεται

καύηξ, ἐρινοῦ προσκαθήμενος κλάδῳ,

ὡς μὴ καταβρώξῃ νιν ἐν ῥόχθοις κλύδων

Χάρυβδιν ἐκφυσῶσαν ἑλκύσας βυθῷ.

βαιὸν δὲ τερφθεὶς τοῖς Ἀτλαντίδος γάμοις

ἀναυλόχητον αὐτοκάβδαλον σκάφος

βῆναι ταλάσσει καὶ κυβερνῆσαι τάλας

αὐτουργότευκτον βᾶριν, ἐς μέσην τρόπιν

εἰκαῖα γόμφοις προστεταργανωμένην.

ἧς οἷα τυτθὸν Ἀμφίβαιος ἐκβράσας

τῆς κηρύλου δάμαρτος ἀπτῆνα σπόρον

αὐταῖς μεσόδμαις καὶ σὺν ἰκρίοις βαλεῖ

πρὸς κῦμα δύπτην ἐμπεπλεγμένον κάλοις.

πόντου δ᾽ ἄυπνος ἐνσαρούμενος μυχοῖς

ἀστῷ σύνοικος Θρῃκίας Ἀνθηδόνος

ἔσται. παρ᾽ ἄλλου δ᾽ ἄλλος, ὡς πεύκης κλάδον,

βύκτης στροβήσει φελλὸν ἐνθρώσκων πνοαῖς.

μόλις δὲ Βύνης ἐκ παλιρροίας κακῆς

ἄμπυξ σαώσει στέρνα δεδρυφαγμένον

καὶ χεῖρας ἄκρας, αἷς κρεαγρεύτους πέτρας

μάρπτων ἁλιβρώτοισιν αἱμαχθήσεται

στόρθυγξι. νῆσον δ᾽ εἰς Κρόνῳ στυγουμένην

Ἅρπην περάσας, μεζέων κρεανόμον,

ἄχλαινος ἵκτης πημάτων λυγρῶν κόπις,

τὸν μυθοπλάστην ἐξυλακτήσει γόον,

ἀρὰς τετικὼς τοῦ τυφλωθέντος δάκους.

Traduction

Les mugissants dans une outre en peau de bœuf une fois emprisonnés, vagabondant en va-et-vient parmi des peines tournoyantes, il sera consumé par un fouet foudroyant, sterne posée sur un rameau de figuier, afin que ne l'engloutissent pas les flots, dans leur tumulte entraînant Charybde exhalante vers le fond; après avoir joui un moment des noces d'une Atlantide, sur un esquif rudimentaire sans lieu de mouillage il osera s'embarquer et piloter, le pauvre, une galiote de sa propre construction, au milieu d'une carène rafistolée de chevilles au hasard, d'où Amphibaïos, le recrachant, telle la petite semence sans ailes de l'épouse du céryle, avec les coursiers eux-mêmes et avec les bordages, le jettera dans les flots, plongeur enlacé aux cordages; balayé sans sommeil vers les tréfonds du large, il sera d'un citoyen de la thrace Anthédon le voisin; l'ouragan toujours recommencé, comme un rameau de pin, le roulera, se ruant de ses souffles sur ce bout de liège; de justesse, du reflux du malheur, le diadème de Byné, sauvera son poitrail cuirassé de bois et le bout de ses mains, que, saisissant des roches écorcheuses de chair, il ensanglantera sur des éperons rongés par le sel; parvenu dans l'île exécrée par Cronos, dans la Serpe dépeceuse de verge, suppliant sans pelisse, phraseur de tristes peines, il aboiera sa plainte fabulatrice, pour avoir payé le prix des malédictions du monstre aveuglé.

Source de la traduction

traduction Chauvin/Cusset modifiée

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Dans ce passage, Cassandre présente une Odyssée en miniature. Ulysse sera aidé par Éole qui emprisonnera les vents défavorables dans une outre (Odyssée, X, 1-27). Après la tempête qui engloutira ses compagnons pour les punir d'avoir tué les bœufs d'Hélios (Odyssée, XII, 403-419), Ulysse repassera devant Charybde accroché à une branche de figuier (Odyssée XII, 426-466). Après sept années chez Calypsô, fille d'Atlas (Odyssée I, 52 et VII, 245), Ulysse prend la mer sur un radeau qu'il a lui-même construit (Odyssée, V, 234). Poséïdon, dieu honoré sous le nom d'Amphibaïos à Cyrène, malmènera alors à nouveau Ulysse (Odyssée VII, 270-282). Ce dernier est comparé au poussin de l'alcyon, oiseau issu de la métamorphose d'Alcyone fille d'Éole, qui passait pour faire son nid sur mer lors du solstice d'hiver. L'évocation de Glaucos, qui suit immédiatement, permet d'introduire indirectement le personnage d'une autre Alcyone, homonyme de la première et grand-mère de Glaucos. Le dieu marin Glaucos passait pour être un mortel divinisé. Ce pêcheur d'Anthédon, cité de Béotie habitée ou fondée par des Thraces, aurait goûté une herbe qui rendait immortel. Glaucos aurait ainsi été le fils d'Anthas, fondateur d'Anthédon, lui-même fils de Poséidon et d'une certaine Alcyone (Pausanias, VI, 10, 1; IX, 22, 5-7; II, 30, 8; III, 18, 10 et X, 4, 7). Le voile magique d'Inô-Leucothée dite Byné - qui sauve Ulysse - est ici remplacé par un diadème (cf. Odyssée, V, 333-353). Ulysse finit par arriver dans l'île des Phéaciens (dite ici Harpè, la Faucille, avec un terme qui évoque l'instrument utilisé par Cronos pour émasculer Ouranos, mais qui rappelle aussi aussi l'image de Zeus émasculant Cronos; on connaissait aussi cette île sous les noms de Schèria et Drépané, un terme qui évoque là encore la serpe - une tradition voulait en effet que la serpe qui avait servi à émasculer Ouranos puis Cronos ait été cachée dans l'île des Phéaciens, identifiée avec Corfou/Corcyre : cf. Hés. Théogonie, 162 et 179). Ulysse relate alors auprès des Phéaciens les souffrances qu'il a dû endurer pour avoir suscité la colère de Poséïdon en aveuglant Polyphème.

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Indexation

Ethnique(s):

Thrace

Commentaire iconographique 1

Commentaire

L'iconographie de Charybde est inexistante, un gouffre étant difficile à figurer, mais l'arbre situé en arrière-plan du bateau d'Ulysse agressé par Skylla sur des médaillons contorniates pourrait la représenter (LIMC s.v."Skylla" n°56). Le rameau de figuier auquel Ulysse doit son salut est peut-être attesté dans l'iconographie, mais de façon particulière. En effet quelques objets représentent un homme qui tend à la tortue marine sur laquelle il est monté un rameau feuillu, quelquefois chargé de fruits, comme pour la faire avancer ou l'empêcher de plonger. Il s'agit principalement d'objets étrusques, datés du Ve au IIIe s. av. J.-C. : un miroir (Florence Mus. Arch.75874; LIMC s.v."Odysseus/Uthuze" n° 116), une série de reliefs décorant des anses en bronze (LIMC s.v."Odysseus/Uthuze" n° 117-118) et quelques gemmes (LIMC s.v."Odysseus/Uthuze" n° 119-125). Sur quelques-uns d'entre eux, "Ulysse" porte une sorte d'écharpe qui évoque le voile d'Ino.

Deux autres représentations, qui elles aussi proviennent de l'ouest de la Méditerranée, montrent le héros naviguant sur une tortue. Sur un skyphos à figures noires de Géla, derrière l'homme barbu qui s'agrippe à la carapace de la tortue figure un rocher surmonté d'un figuier (Palerme Mus. Arch. N. I. 1930; fin du VIè s. av. J.-C.) et, sur la métope 27 de l'Héraion du Silaris, l'homme installé sur la tortue porte sa main en visière (vers 570-560 av. J.-C.; C. Masseria/ M. Torelli, "Le metope dell'Heraion alle Foce del Sele", Le mythe grec dans l'Italie antique, 1999, p. 240-243 fig. 40).

Cette version particulière, locale, du mythe, pourrait se rapporter à une tradition populaire en Occident mais pas dans la Grèce propre, peut-être une légende tirée des Nostoi de Stésichore (M. Denoyelle/M. Iozzo, La céramique grecque d'Italie méridionale et de Sicile, 2009, p.92-93 ; Masseria/ Torelli p. 242-243).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14516

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Commentaire iconographique 2

Commentaire

Deux bols à reliefs de Thèbes de Phthiotide se rapportent au départ d'Ulysse de chez Calypso. L'un d'eux montre Ulysse en train de construire son radeau tandis que Calypso lui apporte la voile (vers 200 av. J.-C.; LIMC s.v."Odysseus" n° 194); l'autre dépeint les adieux d'Ulysse à Calypso au registre supérieur et le naufrage du héros, qui se cramponne à un morceau de son embarcation disloquée, au registre inférieur (Volos, Mus. Milieu du IIe s. av. J.-C. LIMC s.v. "Odysseus" n° 192).

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Commentaire iconographique 3

Commentaire

Parmi les rares représentations qui concernent l'outre d'Éole, nous pouvons mentionner un scarabée étrusque qui montre un jeune homme les mains posées sur une outre qu'il vient de délier puisqu'il en sort une tête d'homme barbu (voir LIMC s.v. Odysseus/Uthuze n°65).

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Comment citer cette notice

Texte n°887 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait887/. Première version : 24/06/10. Date de mise à jour : 06/05/12

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