> Extrait

Apollonios de Rhodes, Argonautiques, 2, 549-606 Vian-Delage.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

Οἱ δ' ὅτε δὴ σκολιοῖο πόρου στεινωπὸν ἵκοντο

τρηχείῃς σπιλάδεσσιν ἐεργμένον ἀμφοτέρωθεν,

δινήεις δ' ὑπένερθεν ἀνακλύζεσκεν ἰοῦσαν

νῆα ῥόος, πολλὸν δὲ φόβῳ προτέρωσε νέοντο,

ἤδη δέ σφισι δοῦπος ἀρασσομένων πετράων

νωλεμὲς οὔατ' ἔβαλλε, βόων δ' ἁλιμυρέες ἀκταί,

δὴ τότ' ἔπειθ' ὁ μὲν ὦρτο πελειάδα χειρὶ μεμαρπὼς

Εὔφημος πρῴρης ἐπιβήμεναι· οἱ δ' ὑπ' ἀνωγῇ

Τίφυος Ἁγνιάδαο θελήμονα ποιήσαντο

εἰρεσίην, ἵν' ἔπειτα διὲκ πέτρας ἐλάσειαν,

κάρτει ᾧ πίσυνοι. τὰς δ' αὐτίκα λοίσθιον ἄλλων

οἰγομένας ἀγκῶνα περιγνάμψαντες ἴδοντο.

σὺν δέ σφιν χύτο θυμός· ὁ δ' ἀίξαι πτερύγεσσιν

Εὔφημος προέηκε πελειάδα· τοὶ δ' ἅμα πάντες

ἤειραν κεφαλὰς ἐσορώμενοι· ἡ δὲ δι' αὐτῶν

ἔπτατο· ταὶ δ' ἄμυδις πάλιν ἀντίαι ἀλλήλῃσιν

ἄμφω ὁμοῦ ξυνιοῦσαι ἐπέκτυπον. ὦρτο δὲ πολλὴ

ἅλμη ἀναβρασθεῖσα, νέφος ὥς· αὖε δὲ πόντος

σμερδαλέον· πάντῃ δὲ περὶ μέγας ἔβρεμεν αἰθήρ.

κοῖλαι δὲ σπήλυγγες ὑπὸ σπιλάδας τρηχείας

κλυζούσης ἁλὸς ἔνδον ἐβόμβεον· ὑψόθι δ' ὄχθης

λευκὴ καχλάζοντος ἀνέπτυε κύματος ἄχνη.

νῆα δ' ἔπειτα πέριξ εἴλει ῥόος. ἄκρα δ' ἔκοψαν

οὐραῖα πτερὰ ταίγε πελειάδος· ἡ δ' ἀπόρουσεν

ἀσκηθής. ἐρέται δὲ μέγ' ἴαχον· ἔβραχε δ' αὐτὸς

Τῖφυς ἐρεσσέμεναι κρατερῶς. οἴγοντο γὰρ αὖτις

ἄνδιχα. τοὺς δ' ἐλάοντας ἔχεν τρόμος, ὄφρα μιν αὐτὴ

πλημμυρὶς παλίνορσος ἀνερχομένη κατένεικεν

εἴσω πετράων. τότε δ' αἰνότατον δέος εἷλεν

πάντας· ὑπὲρ κεφαλῆς γὰρ ἀμήχανος ἦεν ὄλεθρος.

ἤδη δ' ἔνθα καὶ ἔνθα διὰ πλατὺς εἴδετο Πόντος,

καί σφισιν ἀπροφάτως ἀνέδυ μέγα κῦμα πάροιθεν

κυρτόν, ἀποτμῆγι σκοπιῇ ἴσον· οἱ δ' ἐσιδόντες

ἤμυσαν λοξοῖσι καρήασιν. εἴσατο γάρ ῥα

νηὸς ὑπὲρ πάσης κατεπάλμενον ἀμφικαλύψειν.

ἀλλά μιν ἔφθη Τῖφυς ὑπ' εἰρεσίῃ βαρύθουσαν

ἀγχαλάσας· τὸ δὲ πολλὸν ὑπὸ τρόπιν ἐξεκυλίσθη,

ἐκ δ' αὐτὴν πρύμνηθεν ἀνείρυσε τηλόθι νῆα

πετράων· ὑψοῦ δὲ μεταχρονίη πεφόρητο.

Εὔφημος δ' ἀνὰ πάντας ἰὼν βοάασκεν ἑταίρους,

ἐμβαλέειν κώπῃσιν ὅσον σθένος· οἱ δ' ἀλαλητῷ

κόπτον ὕδωρ. ὅσσον δ' ἂν ὑπείκαθε νηῦς ἐρέτῃσιν,

δὶς τόσον ἂψ ἀπόρουσεν· ἐπεγνάμπτοντο δὲ κῶπαι

ἠύτε καμπύλα τόξα, βιαζομένων ἡρώων.

ἔνθεν δ' αὐτίκ' ἔπειτα καταρρεπὲς ἔσσυτο κῦμα,

ἡ δ' ἄφαρ ὥστε κύλινδρος ἐπέτρεχε κύματι λάβρῳ

προπροκαταΐγδην κοίλης ἁλός. ἐν δ' ἄρα μέσσαις

Πληγάσι δινήεις εἶχεν ῥόος· αἱ δ' ἑκάτερθεν

σειόμεναι βρόμεον· πεπέδητο δὲ νήια δοῦρα.

καὶ τότ' Ἀθηναίη στιβαρῆς ἀντέσπασε πέτρης

σκαιῇ, δεξιτερῇ δὲ διαμπερὲς ὦσε φέρεσθαι.

ἡ δ' ἰκέλη πτερόεντι μετήορος ἔσσυτ' ὀιστῷ.

ἔμπης δ' ἀφλάστοιο παρέθρισαν ἄκρα κόρυμβα

νωλεμὲς ἐμπλήξασαι ἐναντίαι. αὐτὰρ Ἀθήνη

Οὔλυμπόνδ' ἀνόρουσεν, ὅτ' ἀσκηθεῖς ὑπάλυξαν.

πέτραι δ' εἰς ἕνα χῶρον ἐπισχεδὸν ἀλλήλῃσιν

νωλεμὲς ἐρρίζωθεν, ὃ δὴ καὶ μόρσιμον ἦεν

ἐκ μακάρων, εὖτ' ἄν τις ἰδὼν διὰ νηὶ περήσῃ.

Traduction

Les héros étaient parvenus dans le passage tortueux, à la partie étroite, resserrée des deux côtés entre les pointes des écueils; un courant tourbillonnant prenait par-dessous et soulevait le navire en marche; c'est avec grand'peur qu'ils naviguaient plus avant. Déjà, le fracas des rochers qui se heurtaient frappait leurs oreilles d'une manière continue, et les falaises, où la mer se brise, mugissaient. Alors, Euphémos, tenant la colombe dans sa main, se leva pour monter à la proue; et les héros, sur l'ordre de l'Agniade Tiphys, se mirent à ramer de tout leur cœur, pour pouvoir ensuite lancer le navire au travers des roches, confiants dans leur force. Ces roches, quand ils eurent tourné le coude du détroit, ils les virent séparées; ils devaient être les derniers à les voir ainsi éloignées. Aussitôt le cœur des héros s'amollit. Euphémos lança la colombe pour que ses ailes la portassent au delà du passage : tous les rameurs à la fois levèrent la tête pour voir; mais elle vola au milieu des roches qui, bientôt, revenant l'une vers l'autre, se réunirent avec un bruit retentissant. Une masse d'eau bouillonnante s'éleva comme une nuée; la mer mugissait d'une manière effrayante; et tout autour, au loin, l'air vibrait. Les cavernes creuses, sous les écueils hérissés, comme l'eau s'y engouffrait, grondaient; et jusqu'en haut du rivage escarpé, le flot tumultueux crachait une écume blanche. Ensuite, le flux enveloppait et roulait le navire. Mais la rencontre des rocs ne fit que trancher les plumes de la queue de la colombe, et l'oiseau passa sans danger. Les héros poussaient de grandes clameurs : Tiphys leur cria de faire force de rames. Car, de nouveau, les roches s'ouvraient pour se séparer: ils ramèrent effrayés, jusqu'au moment où, par lui-même, le reflux, s'élevant vers le navire, l'entraîna à l'intérieur des rochers. Alors une crainte affreuse les saisit tous; car, au-dessus de leur tête, inévitable, était la mort. Déjà, ici et là, apparaissait le vaste Pont, quand, à l'improviste, une vague immense se dressa devant eux, menaçante, semblable à un roc escarpé; à cette vue, ils se détournèrent, en inclinant la tête : cette vague semblait devoir s'écrouler sur le navire et le couvrir tout entier. Mais Tiphys la prévint en donnant quelque relâche au navire fatigué par le rapide mouvement des rames: une masse d'eau se précipita en tourbillonnant sous la quille, et, soulevant le navire lui-même, à partir de la poupe, l'entraîna loin des rochers; et, après cela, Argo restait portée au sommet des flots. Euphémos courait à tous ses compagnons, en leur criant de se courber sur leurs rames de toutes leurs forces : ceux-ci frappaient l'eau à grands cris. Mais, si le navire avançait sous l'action des rames, la violence des flots le faisait reculer deux fois plus loin qu'il n'avançait; les rames pliaient comme des arcs recourbés, tant les héros faisaient d'efforts. Tout à coup, cependant, une vague se précipita obliquement; et le navire courait, comme un corps arrondi, sur la vague impétueuse de la mer agitée qui le roulait. Au milieu des Symplégades, un tourbillon le retenait : des deux côtés, les rochers s'ébranlaient en mugissant. Et le bois dont le vaisseau était construit restait là comme captif. Mais alors, Athéné, de sa main gauche, arracha le navire au rocher, qui le tenait fortement, et, de sa droite, le poussa, pour qu'il franchît d'outre en outre le passage. Et Argo s'élança, suspendue dans les airs, semblable à une flèche ailée. Cependant les ornements du haut de la poupe furent comme moissonnés par le choc obstiné des deux roches opposées. Mais Athéné s'élança vers l'Olympe, du moment qu'ils furent hors de danger. Quant aux rocs, s'étant rapprochés pour se réunir au même endroit, ils s'enracinèrent d'une manière stable, car l'ordre des dieux avait fatalement établi qu'il en serait ainsi, du jour où un mortel les aurait vus et traversés sur un navire.

Source de la traduction

Traduction De La Ville de Mirmont

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Le passage des Symplégades est un motif argonautique attesté depuis Pindare (Pythiques, 4, 207-211) et Simonide (fr. 546 Page). Ces roches mouvantes rappellent les Planctes de l'Odyssée, mais s'en distinguent par leur action différente sur les bateaux (elles les broient au passage) et par l'absence de flammes alentour.

Pourtant Apollonios ne reprend que peu d'éléments à la tradition. Il n'y a chez lui que deux acteurs humains : le pilote Tiphys (qui est à l'origine de toutes les actions importantes : 556-9; 573-4; 584-7) et son auxiliaire Euphèmos qui se munit de la colombe décisive (533-6; 561-63). La tradition fait aussi intervenir les dieux : selon Homère c'est Héra qui protège Jason (Odyssée, 12, 72, mais ici c'est Athéna qui intervient. Le motif de la colombe est aussi homérique (cf. Odyssée, 12, 61-72), mais c'est peut-être plus directement d'une tragédie de Sophocle (Phinée) que viendrait son traitement.

À partir de ces quelques éléments, Apollonios construit un récit dramatique et fortement pathétique (la peur tient les Argonautes qui ont à lutter de toutes leurs forces contre les éléments). La narration est composée en fonction du mouvement des Roches qui se referment trois fois (553, 565, 602) ; les mouvements du flot sont décrits avec précision, malgré leur confusion extrême. Il y a trois temps dans le récit : - 549-573 : la phase préliminaire (l'approche ; l'ouverture des roches ; les roches se referment et la colombe s'échappe)

- 573-597 : la lutte des Argonautes contre les éléments (le reflux ; la grande vague puis la vague inverse)

-598-606 : l'intervention finale et décisive d'Athéna.

Rédacteur du commentaire

C. Cusset

Indexation

Toponyme(s):

Plégades

Mot(s)-clé(s) :

colombe

Comment citer cette notice

Texte n°70993 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait70993/. Première version : 23/03/11. Date de mise à jour : 06/10/12

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