> Extrait

Apollonios de Rhodes, Argonautiques, 1, 843-914 Vian-Delage.

<< < / > >>

Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

      ἀμφὶ δὲ τόν γε νεήνιδες ἄλλοθεν ἄλλαι

μυρίαι εἱλίσσοντο κεχαρμέναι, ὄφρα πυλάων

ἐξέμολεν. μετέπειτα δ' ἐυτροχάλοισιν ἀμάξαις

ἀκτὴν εἰσανέβαν, ξεινήια πολλὰ φέρουσαι,

μῦθον ὅτ' ἤδη πάντα διηνεκέως ἀγόρευσε,

τόν ῥα καλεσσαμένη διεπέφραδεν Ὑψιπύλεια·

καὶ δ' αὐτοὺς ξεινοῦσθαι ἐπὶ σφεὰ δώματ' ἄγεσκον

ῥηιδίως. Κύπρις γὰρ ἐπὶ γλυκὺν ἵμερον ὦρσεν

Ἡφαίστοιο χάριν πολυμήτιος, ὄφρα κεν αὖτις

ναίηται μετόπισθεν ἀκήρατος ἀνδράσι Λῆμνος.

Ἔνθ' ὁ μὲν Ὑψιπύλης βασιλήιον ἐς δόμον ὦρτο

Αἰσονίδης· οἱ δ' ἄλλοι ὅπῃ καὶ ἔκυρσαν ἕκαστος,

Ἡρακλῆος ἄνευθεν, ὁ γὰρ παρὰ νηὶ λέλειπτο

αὐτὸς ἑκὼν παῦροί τε διακρινθέντες ἑταῖροι.

αὐτίκα δ' ἄστυ χοροῖσι καὶ εἰλαπίνῃσι γεγήθει

καπνῷ κνισήεντι περίπλεον· ἔξοχα δ' ἄλλων

ἀθανάτων Ἥρης υἷα κλυτὸν ἠδὲ καὶ αὐτὴν

Κύπριν ἀοιδῇσιν θυέεσσί τε μειλίσσοντο.

ἀμβολίη δ' εἰς ἦμαρ ἀεὶ ἐξ ἤματος ἦεν

ναυτιλίης· δηρὸν δ' ἂν ἐλίνυον αὖθι μένοντες,

εἰ μὴ ἀολλίσσας ἑτάρους ἀπάνευθε γυναικῶν

Ἡρακλέης τοίοισιν ἐνιπτάζων μετέειπε·

"Δαιμόνιοι, πάτρης ἐμφύλιον αἷμ' ἀποέργει

ἡμέας; ἦε γάμων ἐπιδευέες ἐνθάδ' ἔβημεν

κεῖθεν, ὀνοσσάμενοι πολιήτιδας; αὖθι δ' ἕαδε

ναίοντας λιπαρὴν ἄροσιν Λήμνοιο ταμέσθαι;

οὐ μὰν εὐκλειεῖς γε σὺν ὀθνείῃσι γυναιξὶν

ἐσσόμεθ' ὧδ' ἐπὶ δηρὸν ἐελμένοι· οὐδέ τι κῶας

αὐτόματον δώσει τις ἑλὼν θεὸς εὐξαμένοισιν.

ἴομεν αὖτις ἕκαστοι ἐπὶ σφεά· τὸν δ' ἐνὶ λέκτροις

Ὑψιπύλης εἰᾶτε πανήμερον, εἰσόκε Λῆμνον

παισὶν ἐπανδρώσῃ, μεγάλη τέ ἑ βάξις ἵκηται."

Ὧς νείκεσσεν ὅμιλον· ἐναντία δ' οὔ νύ τις ἔτλη

ὄμματ' ἀνασχεθέειν, οὐδὲ προτιμυθήσασθαι·

ἀλλ' αὔτως ἀγορῆθεν ἐπαρτίζοντο νέεσθαι

σπερχόμενοι. ταὶ δέ σφιν ἐπέδραμον, εὖτ' ἐδάησαν.

ὡς δ' ὅτε λείρια καλὰ περιβρομέουσι μέλισσαι

πέτρης ἐκχύμεναι σιμβληίδος, ἀμφὶ δὲ λειμὼν

ἑρσήεις γάνυται, ταὶ δὲ γλυκὺν ἄλλοτε ἄλλον

καρπὸν ἀμέργουσιν πεποτημέναι· ὧς ἄρα ταίγε

ἐνδυκὲς ἀνέρας ἀμφὶ κινυρόμεναι προχέοντο,

χερσί τε καὶ μύθοισιν ἐδεικανόωντο ἕκαστον,

εὐχόμεναι μακάρεσσιν ἀπήμονα νόστον ὀπάσσαι.

ὧς δὲ καὶ Ὑψιπύλη ἠρήσατο χεῖρας ἑλοῦσα

Αἰσονίδεω, τὰ δέ οἱ ῥέε δάκρυα χήτει ἰόντος·

"Νίσσεο, καὶ σὲ θεοὶ σὺν ἀπηρέσιν αὖτις ἑταίροις

χρύσειον βασιλῆι δέρος κομίσειαν ἄγοντα

αὔτως, ὡς ἐθέλεις καί τοι φίλον. ἥδε δὲ νῆσος

σκῆπτρά τε πατρὸς ἐμεῖο παρέσσεται, ἢν καὶ ὀπίσσω

δή ποτε νοστήσας ἐθέλῃς ἄψορρον ἱκέσθαι.

ῥηιδίως δ' ἂν ἑοῖ καὶ ἀπείρονα λαὸν ἀγείραις

ἄλλων ἐκ πολίων· ἀλλ' οὐ σύγε τήνδε μενοινὴν

σχήσεις, οὔτ' αὐτὴ προτιόσσομαι ὧδε τελεῖσθαι.

μνώεο μὴν ἀπεών περ ὁμῶς καὶ νόστιμος ἤδη

Ὑψιπύλης· λίπε δ' ἧμιν ἔπος, τό κεν ἐξανύσαιμι

πρόφρων, ἢν ἄρα δή με θεοὶ δώωσι τεκέσθαι."

Τὴν δ' αὖτ' Αἴσονος υἱὸς ἀγαιόμενος προσέειπεν·

"Ὑψιπύλη, τὰ μὲν οὕτω ἐναίσιμα πάντα γένοιτο

ἐκ μακάρων· τύνη δ' ἐμέθεν πέρι θυμὸν ἀρείω

ἴσχαν', ἐπεὶ πάτρην μοι ἅλις Πελίαο ἕκητι

ναιετάειν· μοῦνόν με θεοὶ λύσειαν ἀέθλων.

εἰ δ' οὔ μοι πέπρωται ἐς Ἑλλάδα γαῖαν ἱκέσθαι

τηλοῦ ἀναπλώοντι, σὺ δ' ἄρσενα παῖδα τέκηαι,

πέμπε μιν ἡβήσαντα Πελασγίδος ἔνδον Ἰωλκοῦ

πατρί τ' ἐμῷ καὶ μητρὶ δύης ἄκος, ἢν ἄρα τούσγε

τέτμῃ ἔτι ζώοντας, ἵν' ἄνδιχα τοῖο ἄνακτος

σφοῖσιν πορσύνωνται ἐφέστιοι ἐν μεγάροισιν."

Ἦ καὶ ἔβαιν' ἐπὶ νῆα παροίτατος· ὧς δὲ καὶ ἄλλοι

βαῖνον ἀριστῆες· λάζοντο δὲ χερσὶν έρετμὰ

ἐνσχερὼ ἑζόμενοι· πρυμνήσια δέ σφισιν Ἄργος

λῦσεν ὑπὲκ πέτρης ἁλιμυρέος. Ἔνθ' ἄρα τοίγε

κόπτον ὕδωρ δολιχῇσιν ἐπικρατέως ἐλάτῃσιν.

Traduction

Autour de lui, de tous côtés, pleines de joie, des jeunes filles sans nombre s'empressaient jusqu'au moment où il sortit des portes. Bientôt après, sur des chariots rapides, elles descendaient vers le rivage, portant de nombreux dons d'hospitalité. Déjà, le héros avait répété avec soin à ses compagnons le discours qu'Hypsipylé avait tenu après l'avoir appelé près d'elle. Elles les décidèrent sans peine à venir en hôtes dans leurs maisons. Car Cypris leur avait mis dans l'âme un doux désir, par égard pour Héphaïstos, le dieu plein de sagesse, afin que, désormais, grâce à l'arrivée de ces hommes, la population de Lemnos fût complète. L'Aisonide partit pour la demeure royale d'Hypsipylé. Les autres allèrent un peu partout, chacun où le hasard le conduisait. Excepté Héraclès: il resta auprès du navire, de son plein gré, et, avec lui, quelques compagnons choisis. Aussitôt, la ville s'égaie de chœurs de danse et de festins; elle est pleine d'un fumet de fumée : au-dessus de tous les autres dieux immortels, c'est le fils illustre d'Héra, et Cypris elle-même que l'on se conciliait par le chant et les sacrifices.

On différait de jour en jour le départ sur la mer. Ils seraient restés longtemps à s'oublier dans leur séjour, si Héraclès, convoquant ses compagnons loin des femmes, ne leur eût adressé ces paroles pleines de blâme :

« Malheureux ! un meurtre commis sur des concitoyens nous tient-il éloignés de la patrie? Est-ce par besoin de nous marier que nous sommes venus de notre pays ici, dédaigneux des femmes de chez nous? Est-ce notre plaisir d'habiter ici, pour labourer les fécondes campagnes de Lemnos? Certes, ce n'est pas ainsi que nous conquerrons de la gloire à cohabiter si longtemps avec des femmes étrangères! Et la toison, ce n'est pas quelque dieu qui ira l'arracher pour nous la donner, proie qui s'offrirait d'elle-même à nos prières. Rentrons donc, chacun chez soi; quant à lui, laissez-le s'éterniser dans le lit d'Hypsipylé, jusqu'à ce qu'il ait peuplé Lemnos de ses enfants, et qu'une grande gloire lui soit arrivée ainsi ! ».

C'est en ces termes qu'il gourmanda l'assemblée : en face de lui, personne n'osa lever les yeux, ni prendre la parole pour lui répondre. Loin de là, aussitôt après la réunion, ils allèrent préparer leur départ en hâte. Mais les femmes coururent vers eux dès qu'elles se furent rendu compte de leur projet. Telles, autour de lis splendides, bourdonnent des abeilles, qui se répandent hors du rocher creux qui leur sert de ruche; au loin s'étend une riante prairie baignée de rosée, et, dans leur vol d'une fleur à l'autre, elles expriment les sucs les plus doux : telles, ces femmes, en larmes, se répandaient autour des hommes; elles ne les quittaient pas; par leurs gestes et leurs paroles, elles montraient leur empressement auprès de chacun d'eux, priant les dieux immortels de leur accorder un retour exempt de toute peine. Ce fut aussi la prière d'Hypsipylé: elle prit les mains de l'Aisonide, et le regret de celui qui partait faisait couler ses larmes:

« Va, et que les dieux te ramènent avec tes compagnons sains et saufs, portant au roi la toison d'or; que tout se passe suivant tes vœux, comme tu le désires. Cette île et le sceptre de mon père seront toujours pour toi, si jamais, à ton retour, tu veux revenir ici. Facilement tu pourrais y amener d'autres villes un peuple immense. Mais cette pensée tu ne l'auras pas, et moi-même je ne pressens pas que ces choses s'accomplissent : toutefois, et pendant ton voyage, et quand tu seras déjà rentré dans ta patrie, souviens-toi d'Hypsipylé. Laisse-moi tes instructions, que j'exécuterai avec bonheur, si les dieux me permettent de devenir mère. »

Le fils d'Aison répondit ainsi, plein d'admiration pour elle: « Hypsipylé, puissent les événements tourner aussi bien, les dieux le voulant. Mais toi, prends de moi une meilleure opinion : tout ce que je demande, c'est de pouvoir habiter ma patrie, avec le consentement de Pélias, pourvu que les dieux me laissent sortir des épreuves! Mais si la destinée ne veut pas que de mon lointain voyage je revienne sur la terre d'Hellade, et si tu as mis au monde un enfant mâle, envoie-le, quand il sera parvenu à la puberté, dans Iolcos Pélasgienne, à mon père et à ma mère comme remède à leur deuil, si toutefois ils sont encore vivants, afin que, loin du roi Pélias, ils soient traités avec honneur, dans leur demeure et près de leur âtre. » Il dit, et il monta sur le navire le premier : et les autres héros y montèrent. Ils prenaient les rames dans leurs mains, après s'être assis à leur place. Argos leur détacha le câble de la roche marine où il était fixé; et déjà, à grands efforts, ils fendaient l'eau de leurs longues rames.

Source de la traduction

Traduction de La Ville de Mirmont modifiée

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Les Lemniennes accueillent auprès d'elles les Argonautes pour en avoir des enfants afin de repeupler l'île de Lemnos. Les Argonautes s'attardent donc à Lemnos.

Seul Héraclès reste à l'écart de ces futilités érotiques et finit par gourmander ses compagnons en raison du retard occasionné.

L'intervention d'Héraclès met fin aux délices lemniennes.

Hypsipylé et Jason évoque ici l'éventualité de la naissance d'un fils né de leurs amours: la Thébaïde de Stace évoque deux enfants issus de cette union - les jumeaux Thoas et Eunéos.

Rédacteur du commentaire

C. Cusset

Bibliographie

G. Dumézil, Le Crime des Lemniennes, Paris, 1998 (édité par B. Leclercq-Neveu).

Indexation

Toponyme(s):

Lemnos; Grèce; Iolcos

Commentaire iconographique 1

Commentaire

La scène figurée sur un cratère à volutes apulien de la fin du Ve s. av. J.-C. (Tarente Mus. Naz. 177001; http://www.limc-france.fr/objet/14801) est diversement interprétée. Elle est parfois rapportée à l'histoire d'Hélène et Pâris mais, à la suite de M. Schmidt (in L'Epos greco in Occidente, Atti Taranto 1979, p. 211-214) on reconnaît, avec réserves, une représentation de la visite des Argonautes dans la maison d'Hypsipyle à Lemnos. Au registre supérieur, la femme qui tient un sceptre, assise sur la kliné sur laquelle Jason (?) est à demi étendu, serait Hypsipyle. Près d'eux se trouveraient Mopsos, les Dioscures et des Lemniennes. La scène d'amour au registre inférieur réunirait les deux amants.

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14801

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Comment citer cette notice

Texte n°30538 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait30538/. Première version : 20/01/11. Date de mise à jour : 30/10/12

Mentions légales | Colophon | Contacts | Haut de page