> Extrait

Callimaque, Hymne à Artémis, 225-258 Pfeiffer.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

πότνια πουλυμέλαθρε, πολύπτολι, χαῖρε, Χιτώνη

Μιλήτῳ ἐπίδημε· σὲ γὰρ ποιήσατο Νηλεύς

ἡγεμόνην, ὅτε νηυσὶν ἀνήγετο Κεκροπίηθεν.

Χησιὰς Ἰμβρασίη πρωτόθρονε, σοὶ δ´ Ἀγαμέμνων

πηδάλιον νηὸς σφετέρης ἐγκάτθετο νηῷ

μείλιον ἀπλοΐης, ὅτε οἱ κατέδησας ἀήτας,

Τευκρῶν ἡνίκα νῆες Ἀχαιίδες ἄστεα κήδειν

ἔπλεον ἀμφ´ Ἑλένῃ Ῥαμνουσίδι θυμωθεῖσαι.

ἦ μέν τοι Προῖτός γε δύω ἐκαθίσσατο νηούς,

ἄλλον μὲν Κορίης, ὅτι οἱ συνελέξαο κούρας

οὔρεα πλαζομένας Ἀζήνια, τὸν δ´ ἐνὶ Λούσοις

Ἡμέρῃ, οὕνεκα θυμὸν ἀπ´ ἄγριον εἵλεο παίδων.

σοὶ καὶ Ἀμαζονίδες πολέμου ἐπιθυμήτειραι

ἔν κοτε παρραλίῃ Ἐφέσῳ βρέτας ἱδρύσαντο

φηγῷ ὑπὸ πρέμνῳ, τέλεσεν δέ τοι ἱερὸν Ἱππώ·

αὐταὶ δ´, Οὖπι ἄνασσα, περὶ πρύλιν ὠρχήσαντο

πρῶτα μὲν ἐν σακέεσσιν ἐνόπλιον, αὖθι δὲ κύκλῳ

στησάμεναι χορὸν εὐρύν· ὑπήεισαν δὲ λίγειαι

λεπταλέον σύριγγες, ἵνα ῥήσσωσιν ὁμαρτῇ

(οὐ γάρ πω νέβρεια δι´ ὀστέα τετρήναντο,

ἔργον Ἀθηναίης ἐλάφῳ κακόν)· ἔδραμε δ´ ἠχώ

Σάρδιας ἔς τε νομὸν Βερεκύνθιον. αἱ δὲ πόδεσσιν

οὖλα κατεκροτάλιζον, ἐπεψόφεον δὲ φαρέτραι.

κεῖνο δέ τοι μετέπειτα περὶ βρέτας εὐρὺ θέμειλον

δωμήθη, τοῦ δ´ οὔτι θεώτερον ὄψεται ἠώς

οὐδ´ ἀφνειότερον· ῥέα κεν Πυθῶνα παρέλθοι.

τῷ ῥα καὶ ἠλαίνων ἀλαπαξέμεν ἠπείλησε

Λύγδαμις ὑβριστής· ἐπὶ δὲ στρατὸν ἱππημολγῶν

ἤγαγε Κιμμερίων ψαμάθῳ ἴσον, οἵ ῥα παρ´ αὐτόν

κεκλιμένοι ναίουσι βοὸς πόρον Ἰναχιώνης.

ἆ δειλὸς βασιλέων, ὅσον ἤλιτεν· οὐ γὰρ ἔμελλεν

οὔτ´ αὐτὸς Σκυθίηνδε παλιμπετὲς οὔτε τις ἄλλος

ὅσσων ἐν λειμῶνι Καϋστρίῳ ἔσταν ἅμαξαι

νοστήσειν· Ἐφέσου γὰρ ἀεὶ τεὰ τόξα πρόκειται.

Traduction

Souveraine aux mille demeures, aux mille cités, salut, Chitonè, qui résides à Milet : ce fut toi que Nélée prit pour guide en quittant avec ses navires la Cécropie. Déesse du cap Chésion, déesse de l'Imbrasos, qui sièges à la première place, c'est à toi qu'Agamemnon consacra le gouvernail de son navire dans le temple - talisman contre l'impossibilité de naviguer -, après que tu eus, pour lui nuire, enchaîné les vents, au temps où les nefs achéennes, irritées au sujet d'Hélène de Rhamnonte, voguaient pour saccager les cités des Teucriens. C'est à toi que Proitos éleva deux temples, l'un sous le nom de Déesse des jeunes filles (Koria), parce que tu rassemblas pour lui ses filles qui erraient dans les monts d'Azanie ; l'autre, à Lousoi, pour la Douce déesse (Héméra), parce que tu sus adoucir la rage féroce qui possédait ses enfants. C'est à toi que jadis, aux rivages d'Éphèse, les Amazones avides de guerroyer érigèrent une effigie au pied du tronc d'un chêne, et pour toi Hippô accomplit le rite. Et ces femmes, souveraine Oupis, exécutèrent la danse armée tout autour, d'abord en armes, avec leurs boucliers, puis en formant leur large chœur en cercle. Les syrinx mélodieuses les accompagnaient de leur son léger, afin qu'elles battent la terre de concert, – on n'avait pas encore percé les os de faon, invention d'Athéna et fléau pour les biches –, et l'écho en courait jusque dans Sardes et au territoire de Bérécynthe. Leurs pieds faisaient entendre un claquement continu, et leurs carquois contribuaient à ce son.

Par la suite, on construisit autour de cette effigie un vaste temple : l'aurore n'en verra jamais de plus divin ni de plus riche ; il pourrait l'emporter sur le temple même de Pythô. Jadis l'insolent Lygdamis, déraisonnant, menaça d'en piller les trésors ; il lança contre lui la troupe des Cimmériens nourris au lait de jument, troupe innombrable comme le sable, qui vivent, affalés sur les bords du Passage de la Vache, fille d'Inachos. Ah, le plus malheureux des rois ! Quelle offense ! Ils ne devaient pas reprendre le chemin du retour vers la Scythie, ni lui ni aucun de ceux dont les chars se trouvaient dans la prairie du Caÿstre ; car tes arcs toujours se dressent devant Éphèse.

Source de la traduction

Traduction La Porte du Theil, modifiée

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Le poète évoque ici quatre lieux de culte d'Artémis : Milet (vv. 225-227), Samos (228-232), Lousoi (233-236) et Ephèse (237-258).

Selon une version athénocentriste de la colonisation ionienne, Nélée partit d'Attique (la «Cécropiex, terre de Cécrops) pour fonder Milet, considérée comme une colonie athénienne. Artémis Chitonè est attestée à Milet par les sources épigraphiques dès la fin de l'époque archaïque.

Le cap Chésion et le fleuve Chésios sont situés sur l'île de Samos et l'Imbrasos est un fleuve de cette même île, plus connu pour ses liens avec le culte de l'Héra de Samos mais que Callimaque met ici en rapport avec un culte très ancien d'Artémis. Cette déesse est invoquée sous le nom de πρωτοθρονίη (celle qui occupe le premier trône). Callimaque est, à notre connaissance, le seul autour à évoquer un ex voto d'Agamemnon à Samos, alors que les liens entre Agamemnon et le culte d'Artémis à Aulis sont, eux, bien connus. Ce passage représente donc une tradition rare.

Qu'Hélène soit issue de l'union de Zeus et de Némésis - ce qui en fait une rhamnousienne - correspond à une tradition qui remonte apparemment aux Chants cypriens (fr. 9 Bernabé).

L'Azénie de l'errance des Proitides est une correction pour ἀξείνια qui s'insère mal ici. L'implantation de cette scène dans le paysage de l'arcadie septentrionale est confirmée par la mention de Lousoi. Proitos était roi de Tirynthe ; ses filles furent frappées de folie pour avoir, selon les sources, soit rejeté Dionysos soit offensé Héra, et sauvées par Artémis (ou par le devin Mélampous dans la version la plus courante de la légende). Sur les hésitations qui entourent les protagonistes des différents moments de ce mythe, voir le commentaire iconographique de l'ID 927.

Hippô est peut-être une dénomination d'Hippolytè, reine des Amazones.

Oupis est un surnom d'Artémis.

La prylis est une danse en armes associée aux Courètes dans l'Hymne à Zeus (v. 52).

Callimaque est le premier auteur (et le seul) à faire danser les Amazones en l'honneur d'Artémis. Bérécynthe est en Phrygie.

Les Cimmériens, populations nomades du Bosphore, firent des incursions en Anatolie aux VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. Conduits par le roi Lygdamis (à identifier avec Dugdammê dont la défaite est connue par des inscriptions assyriennes: A. I. Ivantchik, Les Cimmériens au Proche-Orient, Freiburg / Göttingen, 1993, corpus de textes, n° 48, p. 270-271 "annales" d'Assourbanipal, rédaction H - dont un des fragments est daté de 639 av. J.-C. - et n°49; p. 273, "cylindre" d'Assourbanipal, daté de 639 av. J.-C.), ils s'en prennent ici au temple d'Artémis à Éphèse qu'ils auraient, selon certaines versions, incendié (cf. Hésychius, s. v. Λύγδαμις· οὗτος ἔκαυσεν τὸν ναὸν τῆς Ἀρτέμιδος).

On distinguait le Bosphore cimmérien, au Nord, reliant la Mer Noire au Lac Méotis (la mer d'Azov), – dont il est question ici –, et le Bosphore thrace, au Sud, reliant la Mer Noire à la Propontide (mer de Marmara).

La fille d'Inachos est Io.

Le Caÿstre est une rivière de Lydie.

Rédacteur du commentaire

N. Le Meur et É. Prioux

Indexation

Commentaire iconographique 1

Commentaire

L’auteur comique Autocratès, dans un fragment des Tympanistai cité par Élien (nat. 12, 9), décrit la danse rituelle exécutée par un chœur de jeunes filles lydiennes autour de la statue d’Artémis à Ephèse. La danse armée qu’exécutent les Amazones dans le récit de Callimaque joue sans doute le rôle d’aition par rapport à ce rituel. L’iconographie des vases en forme de cratérisques mis au jour dans plusieurs sanctuaires d’Artémis en Attique a par ailleurs montré l’importance des danses rituelles de jeunes filles dans la religion artémisiaque : pour une mise au point récente sur le sujet, voir ThesCRA II 4.b Dance (2004) p. 317 et 327-330.

La danse des Amazones n’est pas attestée dans l’iconographie, si ce n’est sur une mosaïque tardive de Sepphoris (début du Ve s. ap. J.-C.) où le motif est plutôt, dans ce contexte, à mettre en relation avec les danses et pantomimes exécutées lors des banquets privés : Z. Weiss et R. Talgram, « The Nile Festival building at Sepphoris and its Mosaics : Mythological Representations in Early Byzantine Sepphoris », in J.H. Humphrey (ed.), The Roman and Byzantine Near East III, JRA Suppl. 49 (2002) p. 77-80 fig. 15 et 17.

Auteur du commentaire iconographique

P. Linant de Bellefonds

Comment citer cette notice

Texte n°252375 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait252375/. Première version : 30/08/12. Date de mise à jour : 02/11/12

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