> Extrait

Callimaque, Hymne à Artémis, 46-86 Pfeiffer.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

αὖθι δὲ Κύκλωπας μετεκίαθε· τοὺς μὲν ἔτετμε

νήσῳ ἐνὶ Λιπάρῃ (Λιπάρη νέον, ἀλλὰ τότ´ ἔσκεν

οὔνομά οἱ Μελιγουνίς) ἐπ´ ἄκμοσιν Ἡφαίστοιο

ἑσταότας περὶ μύδρον· ἐπείγετο γὰρ μέγα ἔργον·

ἱππείην τετύκοντο Ποσειδάωνι ποτίστρην.

αἱ νύμφαι δ´ ἔδδεισαν, ὅπως ἴδον αἰνὰ πέλωρα

πρηόσιν Ὀσσαίοισιν ἐοικότα (πᾶσι δ´ ὑπ´ ὀφρύν

φάεα μουνόγληνα σάκει ἴσα τετραβοείῳ

δεινὸν ὑπογλαύσσοντα) καὶ ὁππότε δοῦπον ἄκουσαν

ἄκμονος ἠχήσαντος ἐπὶ μέγα πουλύ τ´ ἄημα

φυσάων αὐτῶν τε βαρὺν στόνον· αὖε γὰρ Αἴτνη,

αὖε δὲ Τρινακρίη Σικανῶν ἕδος, αὖε δὲ γείτων

Ἰταλίη, μεγάλην δὲ βοὴν ἐπὶ Κύρνος ἀΰτει,

εὖθ´ οἵγε ῥαιστῆρας ἀειράμενοι ὑπὲρ ὤμων

ἢ χαλκὸν ζείοντα καμινόθεν ἠὲ σίδηρον

ἀμβολαδὶς τετύποντες ἐπὶ μέγα μυχθίσσειαν.

τῷ σφέας οὐκ ἐτάλασσαν ἀκηδέες Ὠκεανῖναι

οὔτ´ ἄντην ἰδέειν οὔτε κτύπον οὔασι δέχθαι.

οὐ νέμεσις· κείνους γε καὶ αἱ μάλα μηκέτι τυτθαί

οὐδέποτ´ ἀφρικτὶ μακάρων ὁρόωσι θύγατρες.

ἀλλ´ ὅτε κουράων τις ἀπειθέα μητέρι τεύχοι,

μήτηρ μὲν Κύκλωπας ἑῇ ἐπὶ παιδὶ καλιστρεῖ,

Ἄργην ἢ Στερόπην· ὁ δὲ δώματος ἐκ μυχάτοιο

ἔρχεται Ἑρμείης σποδιῇ κεχριμένος αἰθῇ·

αὐτίκα τὴν κούρην μορμύσσεται, ἡ δὲ τεκούσης

δύνει ἔσω κόλπους θεμένη ἐπὶ φάεσι χεῖρας.

κοῦρα, σὺ δὲ προτέρω περ, ἔτι τριέτηρος ἐοῦσα,

εὖτ´ ἔμολεν Λητώ σε μετ´ ἀγκαλίδεσσι φέρουσα,

Ἡφαίστου καλέοντος ὅπως ὀπτήρια δοίη,

Βρόντεώ σε στιβαροῖσιν ἐφεσσαμένου γονάτεσσι,

στήθεος ἐκ μεγάλου λασίης ἐδράξαο χαίτης,

ὤλοψας δὲ βίηφι· τὸ δ´ ἄτριχον εἰσέτι καὶ νῦν

μεσσάτιον στέρνοιο μένει μέρος, ὡς ὅτε κόρσῃ

φωτὸς ἐνιδρυθεῖσα κόμην ἐπενείματ´ ἀλώπηξ.

τῷ μάλα θαρσαλέη σφε τάδε προσελέξαο τῆμος·

’Κύκλωπες, κἠμοί τι Κυδώνιον εἰ δ´ ἄγε τόξον

ἠδ´ ἰοὺς κοίλην τε κατακληῖδα βελέμνων

τεύξατε· καὶ γὰρ ἐγὼ Λητωιὰς ὥσπερ Ἀπόλλων.

αἰ δέ κ´ ἐγὼ τόξοις μονιὸν δάκος ἤ τι πέλωρον

θηρίον ἀγρεύσω, τὸ δέ κεν Κύκλωπες ἔδοιεν.‘

ἔννεπες· οἱ δ´ ἐτέλεσσαν· ἄφαρ δ´ ὡπλίσσαο, δαῖμον.

Traduction

Puis elle se rendit chez les Cyclopes: elle les trouva dans l'île de Lipara - Lipara aujourd'hui, mais on l'appelait alors Méligounis -, debout auprès des enclumes d'Héphaïstos, autour d'une une masse ardente. Un gros ouvrage pressait : ils fabriquaient un abreuvoir pour les chevaux de Poséidon. Les Nymphes prirent peur quand elles virent ces terribles monstres, pareils aux rocs de l'Ossa (tous, sous le sourcil, n'avaient qu'une unique pupille, semblable à un bouclier fait de quatre peaux, et qui jetait un regard torve et effrayant), et lorsqu'elles entendirent le bruit de l'enclume retentissant au loin, le vent puissant des soufflets et le gémissement profond des Cyclopes. Car l'Etna hurlait, la Trinacrie, séjour des Sicanes, hurlait, l'Italie voisine hurlait, et Cyrnos même faisait entendre un grand cri quand, levant haut les marteaux au-dessus de l'épaule et frappant tour à tour l'airain ou le fer en fusion au sortir de la fournaise, ils soufflaient bruyamment. De ce fait, les Océanides ne pouvaient sans crainte les regarder en face ni souffrir d'entendre leur vacarme... Ce n'est pas étonnant : même les filles des bienheureux, déjà grandes, frémissent à chaque fois qu'elles les voient. Et lorsque l'une d'elles refuse d'obéir, la mère appelle les Cyclopes, Argès ou Stéropès, pour punir sa fille ; et du fond de la maison accourt Hermès, le visage couvert de cendre noire ; aussitôt l'enfant épouvantée se jette dans le sein de sa mère en se couvrant les yeux de ses mains. Mais toi, jeune fille, déjà auparavant, dès l'âge de trois ans, lorsque Léto te portant dans ses bras te mena chez Héphaistos, qui l'avait invitée pour lui donner les cadeaux de naissance, Brontès te mit sur ses genoux robustes, et tu tiras les poils touffus de sa large poitrine, et tu les arrachas avec force ; depuis, tout le milieu de sa poitrine est dépourvu de poils, comme lorsqu'une fois installée sur la tempe d'un homme l'alopécie en dévore la chevelure.

Aussi, d'une voix ferme, leur adressas-tu ce jour-là ces paroles: «Cyclopes, allons, fabriquez, pour moi aussi, un arc cydonien, des flèches, et un étui creux pour mes traits ; car je suis fille de Léto, comme Apollon. Et si de mes flèches je tue un animal solitaire ou quelque bête monstrueuse, ce seront les Cyclopes qui pourront le manger.» Tu dis ; ils t'obéirent, et, immédiatement, tu fus armée, déesse.

Source de la traduction

Traduction La Porte du Theil, modifiée

Paraphrase/Commentaire sur le texte

La jeune déesse va rencontrer les Cyclopes. Contrairement aux autres enfants, même divins, elle n'en a pas peur, mais leur demande de lui fabriquer ses armes de chasse.

Les Cyclopes sont présentés ici comme les compagnons d'Héphaïstos, ce qui ne se rencontre pas dans la littérature grecque avant la poésie alexandrine.

Callimaque nourrissait un intérêt particulier pour la toponymie et ses variations.

L'île homérique de Thrinakiè fut identifiée avec la Sicile et le nom doté d'une étymologie nouvelle, en Trinaciè ou Trinacrie "aux trois sommets" (à cause des trois promontoires de la Sicile).

L'Ossa est une montagne de Thessalie.

La Trinacrie est la Sicile.

Les Sicanes sont un peuple autochtone sicilien.

Cyrnos est la Corse.

Argès, Stéropès et Brontès sont les noms des trois Cyclopes évoqués par Hésiode (Théog. 140).

ὀπτήρια : présents à un jeune enfant qu'on voit pour la première fois (cadeaux de naissance), mais il pourrait s'agir ici de présents pour le troisième anniversaire d'Artémis.

L'humour et la délicatesse de cette scène, rappellent certaines comparaisons iliadiques ou l'humour que l'on trouve dans l'Hymne homérique à Hermès par exemple.

Les Cyclopes jouent ici le rôle de «Croquemitaines», rôle traditionnellement dévolu à Hermès, présent ici aussi sous un déguisement.

Κυδώνιον : «cydonien», de Cydonie, ville de la côte Nord-Ouest de la Crète. Allusion à l'habileté proverbiale des archers crétois.

Artémis fait constamment référence à son frère Apollon, comme le font les enfants.

Rédacteur du commentaire

N. Le Meur et É. Prioux

Indexation

Ethnique(s):

Sicanes

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Les Cyclopes forgerons ne sont pas attestés dans l'art grec. Seuls des documents d'époque romaine représentent les Cyclopes dans la forge de Vulcain, travaillant à la fabrication des armes d'Achille, des entraves de Prométhée ou du foudre de Zeus, mais pas à celle des armes d'Artémis (LIMC, s.v. «Kyklops, Kyklopes» n° 32-41 ; voir par exemple une mosaïque de Dougga, Tunis, Mus. du Bardo A 261 : http://www.limc-france.fr/objet/1586).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/1586

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Comment citer cette notice

Texte n°252350 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait252350/. Première version : 24/08/12. Date de mise à jour : 21/11/12

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