> Extrait

Lycophron, Alexandra, 1309-1321.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Précisions : (datation incertaine)

Texte (version originale)

Καὶ δευτέρους ἔπεμψαν Ἄτρακας λύκους

ταγῷ μονοκρήπιδι κλέψοντας νάκην

δρακοντοφρούροις ἐσκεπασμένην σκοπαῖς.

ὃς εἰς Κύταιαν τὴν Λιβυστίνην μολὼν

καὶ τὸν τετράπνην ὕδρον εὐνάσας θρόνοις

καὶ γυρὰ ταύρων βαστάσας πυριπνόων

ἄροτρα καὶ λέβητι δαιτρευθεὶς δέμας

οὐκ ἀσμένως ἔμαρψεν ἐρράου σκύλος,

ἀλλ' αὐτόκλητον ἁρπάσας κεραΐδα,

τὴν γνωτοφόντιν καὶ τέκνων ἀλάστορα,

εἰς τὴν λάληθρον κίσσαν ἡρματίξατο,

φθογγὴν ἑδώλων Χαονιτικῶν ἄπο

βροτησίαν ἱεῖσαν, ἔμπαιον δρόμων.

Traduction

En second lieu, ils envoyèrent des loups atraques voler, pour leur meneur à l'unique sandale, une toison que depuis ses guettes un dragon vigilant surveilllait, pour lui qui, parvenu à Cytaïa la Libyenne, endormit avec des simples l'hydre aux quatre naseaux, souleva l'araire arrondi des taureaux qui soufflaient le feu et eut le corps débité dans un chaudron ; ce n'est pas avec joie qu'il s'empara de la peau du bélier, mais il enleva la corneille qui s'invita d'elle-même, la fratricide qui se vengea sur ses enfants, et la prit en lest sur le geai babillard qui, expert à la course, proférait depuis ses gaillards chaonitiques une voix de mortel.

Source de la traduction

traduction empruntée à l'édition Chauvin/Cusset

Paraphrase/Commentaire sur le texte

L'expédition des Argonautes en Colchide est présentée comme une nouvelle représaille de l'Europe. Lycophron désigne Jason sous le nom de meneur à l'unique sandale car il perdit une sandale en traversant le fleuve Anauros (AR I, 5-17). Le premier exploit de Jason que rappelle Lycophron consiste à avoir endormi le dragon qui gardait la toison d'or avec des herbes magiques ; un deuxième exploit consiste à avoir soumis au joug des taureaux soufflant du feu (AR III, 409 sqq.). Un autre épisode de la vie de Jason est ensuite évoqué : celui où Jason se fit bouillir dans un chaudron pour conserver la jeunesse (cet épisode, passé sous silence par Apollonios, était connu de Simonide fr. 548 Page et de Phérécyde 3F113 Jacoby). Lycophron évoque ensuite l'enlèvement de Médée qui tua son frère Apsyrtos et ses propres enfants. Le geai babillard est la nef Argo, douée de parole.

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Indexation

Ethnique(s):

Atraque; Chaonitique

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Une monnaie thessalienne, de Larissa (vers 470 av. J.-C. LIMC s.v. "Iason" n°1), fait probablement référence au Jason "monocrèpis" : au droit est figurée la tête de Jason, coiffé d'un pétase, et au revers une sandale.

Le héros ne porte qu'une sandale lors de son arrivée à Iolcos sur deux peintures pompéiennes (LIMCs.v. "Iason" n°3-4).

C'est probablement lui aussi qu'il faudrait reconnaître dans le chasseur au pied gauche dénudé sur un fragment de dinos à figures noires (Vers 570 av. J.-C. LIMCs.v. "Iason" n°75).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14413

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N. Icard

Commentaire iconographique 2

Commentaire

Les plus anciennes représentations qui associent Jason et le Dragon ne font pas allusion à l'endormissement du monstre mais montrent le héros en mauvaise posture, sortant de la gueule du serpent ; il s'agit de deux vases corinthiens de la fin du VIIe s. av. J.-C. (LIMCs.v. "Iason" n° 30-31) et d'une coupe de Douris, de 480-470 av. J.-C. (http://www.limc-france.fr/objet/14414).

Vers 470-460 av. J.-C., sur un cratère attique à figures rouges, Jason se saisit de la toison malgré le serpent menaçant, probablement grâce à la protection d'Athéna présente au centre (LIMCs.v. "Iason" n°36).

La référence aux herbes utilisées pour endormir le gardien de la Toison apparaît sur la céramique italiote, entre 415 et 310 av. J.-C. (LIMCs.v. "Iason" n° 37-42). Ce n'est pas Jason mais Médée qui porte le charme dans un coffret et l'administre au serpent, conformément aux autres traditions littéraires (Apollonios de Rhodes, Argonautiques IV 87-88, 149-161).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14414

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N. Icard

Commentaire iconographique 3

Commentaire

L'épisode des taureaux est beaucoup plus rarement figuré que celui du serpent. Le moment choisi n'est pas celui du labour mais celui du domptage, que l'on a pensé reconnaître sur deux cratères apuliens au Mus. Naz. de Naples du IVe s. av. J.-C. Il est représenté, avec certitude, sur une série de sarcophages romains du IIe s. ap. J.-C. (voir le commentaire à Callythea n° 244543).

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N. Icard

Commentaire iconographique 4

Commentaire

Quelques textes font état du démembrement et de la cuisson de Jason dans le chaudron, prélude à son rajeunissement, mais plusieurs problèmes, soulignés par M. Halm-Tisserant (Cannibalisme et immortalité. L'enfant dans le chaudron en Grèce ancienne, 1993, p. 33-36, 246-247), apparaissent et se reflètent dans les représentations figurées.

Les personnages rajeunis par Médée, Eson, son beau-père, et Pélias, sont des vieillards, alors que Jason est un homme jeune. Dans le cas d'Eson, dont le rajeunissement est réussi, le chaudron ne sert qu'à préparer le filtre de jouvence et non à cuire le héros, tandis que dans celui de Pélias, la marmite est un instrument de vengeance dans lequel l'oncle de Jason est plongé et trouve la mort. La cuisson de Jason, elle, répondrait non à une tentative de rajeunissement mais à une pratique d'immortalisation par le feu.

Nous ne connaissons pas de représentation antique du rajeunissement d'Eson, trop difficile à figurer car il s'accomplit par exsanguination, et les images qui montrent un bélier émergeant d'un chaudron sont très probablement à rapporter à la légende de Pélias, puisque le rajeunissement de l'animal sert à tromper les Péliades.

Des scènes représentent un petit personnage sortant d'un chaudron sous lequel un feu est allumé, ce qui évoquerait une résurrection. La métope 32 de l'Héraion du Silaris (LIMC s.v. "Tantalos" n° 19) est parfois considérée comme le "prototype" de ce schéma reproduit sur des lécythes attiques (LIMC s.v. "Iason" n° 58-61; "Pelias" n°16b) et un miroir étrusque (LIMC s.v. "Iason" n°64, "Pelias" n° 14, "Tantalos" n° 23 = http://www.limc-france.fr/objet/14956), mais l'identité du personnage reste floue (Pélias, Jason, Minos, Pélops...).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14956

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N. Icard

Commentaire iconographique 5

Commentaire

Sous la poupe d'un bateau figuré sur un cratère en cloche attique (Géla, Mus. Rég. Vers 410 av. J.-C. : http://www.limc-france.fr/objet/14416), on remarque le corps d'un personnage en lequel on a reconnu tantôt Apsyrtos, tantôt le Minotaure (la figure est mutilée), selon qu'on interprète la scène comme le départ de Thésée de Crète ou celui des Argonautes. La femme dans le bateau serait donc soit Ariane, soit Médée.

Pour l'interprétation contestée d'une scène figurée sur un couvercle de sarcophage romain, voir le commentaire à Callythea n° 954 (http://www.limc-france.fr/objet/14834).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14416

http://www.limc-france.fr/objet/14834

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N. Icard

Commentaire iconographique 6

Commentaire

A partir du début du IVe s. av. J.-C., la mort des enfants de Médée est associée à la fuite sur le char tiré par des dragons. Sur un cratère en cloche falisque (Saint-Pétersbourg, Ermitage Б 2083. LIMC, s. v. "Medeia" n° 39), Médée est debout sur le char, portant un enfant mort sur chaque bras. Entre 400 et 340 av. J.-C. env., sur les vases d'Italie méridionale, Médée s'enfuit, laissant les cadavres des enfants. Sa culpabilité est évoquée par l'attitude de Jason qui la poursuit ou par l'épée tombée de sa main, comme sur une amphore attribuée au Peintre de Darius (Naples, Mus. Naz. 81954; vers 340 av. J.-C. http://www.limc-france.fr/objet/14837). Pour une interprétation du vase dans le contexte des conflits entre Grecs et Perses, cf. C. Pouzadoux dans Le canal d'Otrante et la Méditerranée antique et médiévale, p. 57-58. Ce n'est que dans la 2e moitié du IVe s. av. J.-C. que des vases italiotes illustrent le moment précis du meurtre des enfants de la main de leur mère (voir par exemple une amphore campanienne, Paris, Louvre K 300 : http://www.limc-france.fr/objet/5381). La tragédie d'Euripide, créée en 431 av. J.-C., a très probablement influencé les artistes. Un bon exemple nous est donné par un cratère à volutes du peintre des Enfers qui associe la mort de Créousa, le meurtre des enfants et le char attelé de serpents (Munich, Antikenslg. 3296; vers 330 av. J.-C. LIMC s. v. "Medeia" n° 29; C. Pouzadoux, "Médée tragique dans la peinture apulienne", dans Mythes en images : Médée, Orphée, Oedipe (2007) p. 25-40). Cette représentation complexe pourrait contenir une allusion politique au problème de succession de la cour de Macédoine. Pour la Médée de Timomachos qui illustrerait son indécision, ses hésitations et évoque son long monologue dans la tragédie d'Euripide, cf. K. Gutzwiller, "Seeing Thought: Timomachus' Medea and Ecphrastic Epigram", AJPh, 125, 2004, p. 339-386.

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14837

http://www.limc-france.fr/objet/5381

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N. Icard

Commentaire iconographique 7

Commentaire

Argô, bateau divin construit par Athéna, possédait le pouvoir de parler et de prédire l'avenir car son étrave avait été taillée dans un chêne sacré de Dodone. Cette particularité d'Argô pourrait être évoquée par la tête de femme, tournée vers les rameurs, qui termine la poupe de la nef sur un cratère attique à figures rouges (New York, MMA 1934.11.7; vers 470-460 av. J.-C. LIMC s.v. "Argonautai" n°12; "Iason" n° 36).

À l'époque hellénistique, un certain nombre de gemmes, principalement étrusques, montrent Argos, l'artisan qui construisit Argô, en train de travailler à cette partie de la nef (LIMC s.v. "Argos III" n° 1-12).

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N. Icard

Comment citer cette notice

Texte n°208 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait208/. Première version : 03/11/09. Date de mise à jour : 20/06/13

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