> Extrait

Théocrite, Syrinx;

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Sources

Anthologie palatine, 15, 21

Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Traduction

L’épouse de Personne, la mère de Guerre-au-loin,

Enfanta le guide agile de la nourrice de À-la-place-de-la pierre,

Non pas la Corne, que nourrit une fois l’enfant du taureau,

Mais celui dont autrefois un orbe de bouclier sans pi brûla le cœur,

Dont le nom est Tout, être double, qui désira la nymphe bavarde

Qui fait naître des sons, venteuse,

Lui qui, à la Muse couronnée de violettes,

Planta une fistule pointue, monument de son désir crépitant de feu,

Qui éteignit l’arrogance homonyme du

Tueur-de-grand-père et qui sauva la Tyrienne ;

À lui, Pâris Simichidas a consacré

Ce charmant fléau des porteurs d’aveugles ;

En plus de cela, toi qui marches sur les mortels,

Aiguillon de la femme de Saette,

Enfant d’un père furtif, sans père,

Aux jambes torses, réjoui,

Puisses-tu chanter un chant doux

Pour la vierge muette,

Belle-voix,

Invisible.

Source de la traduction

traduction A. Kolde

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Cette épigramme a la forme d’une syrinx.

« Personne » (v. 1) est Ulysse (cf. Od. 9. 366) ; son épouse est Pénélope. « Guerre-au-loin » est Télémaque (télé + machos) ; sa mère est Pénélope. « À-la-place-de-la-pierre » (v. 2) est Zeus – pour tromper son père Cronos, qui dévorait tous ses fils, sa mère Rhéa donna à son mari une pierre emmaillotée en lieu et place du petit Zeus. Pausanias rapporte qu'à Delphes, un peu au-dessus du tombeau de Néoptolème, se trouvait une pierre qui, selon la tradition, était celle qu'on avait donnée à Cronos au lieu de Zeus (Paus. X 24, 6 ; LIMC s.v. "Zeus" n° 160).

La nourrice de Zeus est la chèvre Amalthée ; son guide agile est Pan.

Le vers 3 précise que le chevrier n’est pas Comatas, chevrier célèbre ; son nom est dérivé de comè, la chevelure, remplacée ici par la corne, poussant, comme les cheveux, sur la tête, et de même matière ; Comatas fut nourri par des abeilles, nées des entrailles d’un taureau en putréfaction.

L’ « orbe de bouclier sans pi » (v. 4) est la nymphe Pitys : sans le pi initial, son nom devient itys = orbe d’un bouclier.

« Tout » (v. 5) = Pan ; « être double », car Pan est mi-homme, mi-bouc ; « la nymphe bavarde, qui fait naître des sons, venteuse » (v. 5-6) est Écho, qui répète des sons et n’est que de l’air. v. 7-8 : jeu de mots sur syrinx, qui a aussi le sens de fistule, et sur paxen, signifiant « infliger une blessure » et « assembler (une syrinx) ». Ces vers rappellent l'histoire de Syrinx.

Le « Tueur-de-grand-père » (v. 8-9) est Persée, qui tua involontairement son grand-père Acrisios ; « l’arrogance homonyme » est l’arrogance des Perses ; il est fait allusion ici à l’aide que Pan apporta aux Grecs à la bataille de Marathon (Hérodote 6, 105-106). Il peut être intéressant de souligner qu'une tradition associait la naissance du chant bucolique aux lendemains de la bataille de Marathon: selon cette tradition, au retour de la bataille, les Lacédémoniens auraient en effet fait exécuter, non par les jeunes filles qui s'en chargeaient d'habitude mais qui s'étaient réfugiées dans des lieux désertiques, mais par des pâtres les célébrations en l'honneur d'Artémis Karyatis ([Probus], Comm. à Virg. Buc. III, 2, 324.8-326.2 Th.-H. = pp. 13-15 Wendel).

La Tyrienne (v. 10) est Europe - la fille d'Agénor est ici assimilée au continent européen, opposé à l'Asie dans le cadre des Guerres Médiques.

Pâris (v. 12) est mis pour Théocrite, interprété en théo-kritès, « juge des déesses » ; Simichidas (v. 12) serait dès lors un pseudonyme pour Théocrite (une lecture à clé a en effet été proposée pour l'Idylle 7 où ce personnage est présent).

Péma (v. 12) signifie « fléau », mais aussi « possession » ; jeu de mots sur péros = tuphlos = aveugle, proche de péra = la besace – les « porteurs d’aveugles » sont donc des « porteurs de besace », c’est-à-dire des pâtres.

« Toi qui marches sur des mortels » (v. 13) résulte aussi d’un jeu de mots : Pan est pétrobatès , c'est-à-dire qu’il marche sur des pierres ; cela se dit aussi laobatès ; or, si laès signifie « pierres », laoi sont "les hommes", "les mortels", le brotoi.

Saette (v. 14) est une ville de Lydie ; on ne sait qui est le femme de Lydie follement éprise de Pan.

Le père furtif (v. 15) est Hermès, amant clandestin de Pénélope et protecteur de voleurs.

« Sans père » indique qu’il est impossible de déterminer son père – tant les prétendants de Pénélope furent nombreux.

« Aux jambes torses » (v. 16) à cause des pattes et sabots fourchus.

Le « chant doux » (v. 17) fait évidemment allusion à la syrinx, dont le poème mime la forme.

La « vierge muette » (v. 18) est Écho, muette parce qu’elle ne prend jamais spontanément la parole; mais quand elle répète des sons, elle a une belle voix (v. 19) ; elle est invisible (v. 20) ; par ailleurs, en changeant une lettre de Calliope (le o en ô), le nom signifierait « au beau visage » - le poète joue peut-être sur l’antithèse entre « beau visage » et « invisible ».

Rédacteur du commentaire

A. Kolde, N. Icard et É. Prioux

Indexation

Toponyme(s):

Saette

Ethnique(s):

Perses

Comment citer cette notice

Texte n°1038 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait1038/. Première version : 28/07/10. Date de mise à jour : 31/10/12

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